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UNIVERSITÉ.

gible, laquelle, de l’aveu de l’abbé Trithème, n’était qu’une fausse science qui avait gâté la religion. En effet, ce que Constantin n’avait fait qu’insinuer touchant la sibylle de Cumes a été dit expressément d’Aristote. Le cardinal Pallavicini relève la maxime de je ne sais quel moine Paul, qui disait plaisamment que, sans Aristote, l’Église aurait manqué de quelques-uns de ses articles de foi.

Aussi le célèbre Ramus, ayant publié deux ouvrages dans lesquels il combattait la doctrine d’Aristote enseignée par l’Université, aurait été immolé à la fureur de ses ignorants rivaux si le roi François Ier n’eût évoqué à soi le procès qui pendait au parlement de Paris entre Ramus et Antoine Govea. L’un des principaux griefs contre Ramus était la manière dont il faisait prononcer la lettre Q à ses disciples.

Ramus ne fut pas seul persécuté pour ces graves billevesées. L’an 1624, le parlement de Paris bannit de son ressort trois hommes qui avaient voulu soutenir publiquement des thèses contre la doctrine d’Aristote ; défendit à toute personne de publier, vendre et débiter les propositions contenues dans ces thèses, à peine de punition corporelle ; et d’enseigner aucunes maximes contre les anciens auteurs et approuvés, à peine de la vie.

Les remontrances de la Sorbonne sur lesquelles le même parlement donna un arrêt contre les chimistes, l’an 1629, portaient qu’on ne pouvait choquer les principes de la philosophie d’Aristote sans choquer ceux de la théologie scolastique reçue dans l’Église. Cependant la faculté ayant fait, en 1566, un décret pour défendre l’usage de l’antimoine, et le parlement ayant confirmé ce décret, Paulmier de Caen, grand chimiste et célèbre médecin de Paris, pour ne s’être pas conformé au décret de la faculté et à l’arrêt du parlement, fut seulement dégradé l’an 1609. Enfin, l’antimoine ayant été inséré depuis dans le livre des médicaments, composé par ordre de la faculté l’an 1637 la faculté en permit l’usage l’an 1666, un siècle après l’avoir défendu, et le parlement autorisa de même ce nouveau décret. Ainsi l’Université a suivi l’exemple de l’Église, qui fit proscrire, sous peine de mort, la doctrine d’Arius, et qui approuva le mot consubstantiel qu’elle avait auparavant condamné, comme nous l’avons vu à l’article Concile.

Ce que nous venons de dire touchant l’Université de Paris peut nous donner une idée des autres universités dont elle est regardée comme le modèle. En effet, quatre-vingts universités, à son imitation, ont fait un décret que la Sorbonne fit dès le