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TYRAN.

fection, de dignité, qu’il y a toujours eu une distance immense entre lui et les plus grands prophètes. Il ne s’agit que de voir si ce sentiment peut s’accorder avec l’Écriture, et s’il est vrai que le titre de Dieu, que les perfections divines, que la création, que le culte suprême, ne soient jamais attribués à Jésus-Christ dans les Évangiles. »

C’était au philosophe Abauzit à voir tout cela. Pour moi, je me soumets de cœur, de bouche, et de plume, à tout ce que l’Église catholique a décidé, et à tout ce qu’elle décidera sur quelque dogme que ce puisse être. Je n’ajouterai qu’un mot sur la Trinité : c’est que nous avons une décision de Calvin sur ce mystère. La voici :

« En cas que quelqu’un soit hétérodoxe, et qu’il se fasse scrupule de se servir des mots Trinité et Personne, nous ne croyons pas que ce soit une raison pour rejeter cet homme ; nous devons le supporter sans le chasser de l’Église, et sans l’exposer à aucune censure comme un hérétique. »

C’est après une déclaration aussi solennelle que Jean Chauvin, dit Calvin, fils d’un tonnelier de Noyon, fit brûler dans Genève, à petit feu, avec des fagots verts, Michel Servet de Villa-Nueva. Cela n’est pas bien.



TYRAN[1].


Τύραννος signifiait autrefois celui qui avait su s’attirer la principale autorité ; comme roi, βασιλεὺς, signifiait celui qui était chargé de rapporter les affaires au sénat.

Les acceptions des mots changent avec le temps, ἰδιώτης ne voulait dire d’abord qu’un solitaire, un homme isolé ; avec le temps il devint le synonyme de sot.

On donne aujourd’hui le nom de tyran à un usurpateur, ou à un roi qui fait des actions violentes et injustes.

Cromwell était un tyran sous ces deux aspects. Un bourgeois qui usurpe l’autorité suprême, qui, malgré toutes les lois, supprime la chambre des pairs, est sans doute un tyran usurpateur. Un général qui fait couper le cou à son roi, prisonnier de guerre, viole à la fois et ce qu’on appelle les lois de la guerre, et les lois des nations, et celles de l’humanité. Il est tyran, il est assassin et parricide.

  1. Questions sur l’Encyclopédie, neuvième partie, 1772. (B.)