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TRINITÉ.

Il appelle les anges les verbes de Dieu, et le monde verbe de Dieu, λόγον τοῦ Θεοῦ.

Pour Flavius Josèphe, c’était un homme de guerre qui n’avait jamais entendu parler du Logos, et qui s’en tenait aux dogmes des pharisiens, uniquement attachés à leurs traditions.

Cette philosophie platonicienne perça des Juifs d’Alexandrie, jusqu’à ceux de Jérusalem. Bientôt toute l’école d’Alexandrie, qui était la seule savante, fut platonicienne ; et les chrétiens qui philosophaient ne parlèrent plus que du Logos.

On sait qu’il en était des disputes de ces temps-là comme de celles de ce temps-ci. On cousait à un passage mal entendu un passage inintelligible qui n’y avait aucun rapport, on en supposait un second, on en falsifiait un troisième ; on fabriquait des livres entiers qu’on attribuait à des auteurs respectés par le troupeau. Nous en avons vu cent exemples au mot Apocryphe.

Cher lecteur, jetez les yeux, de grâce, sur ce passage de Clément Alexandrin[1] : « Lorsque Platon dit qu’il est difficile de connaître le père de l’univers, non-seulement il fait voir par là que le monde a été engendré, mais qu’il a été engendré comme fils de Dieu. » Entendez-vous ces logomachies, ces équivoques ; voyez-vous la moindre lumière dans ce chaos d’expressions obscures ?

Locke ! Locke, venez, définissez les termes. Je ne crois pas que de tous ces disputeurs platoniciens il y en eût un seul qui s’entendît. On distingua deux verbes : le Λόγος ἐνδιάθετος, le verbe en la pensée, et le verbe produit, Λόγος προφοριϰὸς. On eut l’éternité d’un verbe, et la prolation, l’émanation d’un autre verbe.

Le livre des Constitutions apostoliques[2], ancien monument de fraude, mais aussi ancien dépôt des dogmes informes de ces temps obscurs, s’exprime ainsi :

« Le père, qui est antérieur à toute génération, à tout commencement, ayant tout créé par son fils unique, a engendré sans intermède ce fils par sa volonté et sa puissance. »

Ensuite Origène avança[3] que le Saint-Esprit a été créé par le fils, par le verbe.

Puis vint Eusèbe de Césarée, qui enseigna[4] que l’esprit, paraclet, n’est ni Dieu ni fils.

L’avocat Lactance fleurit en ce temps-là. «[5]Le fils de Dieu,

  1. Strom., livre V. (Note de Voltaire.)
  2. Livre VIII, chapitre xlii. (Id.)
  3. I. Partie sur saint Jean. (Id.)
  4. Théol., livre II, chapitre vi. (Note de Voltaire.)
  5. Livre IV, chapitre viii. (Id.)