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TOLÉRANCE.

il avait pendant trente années essayé de concilier les Évangiles, et tâché d’accorder ensemble les Pères. Il chercha dans quel temps précisément on rédigea le symbole attribué aux apôtres, et celui qu’on met sous le nom d’Athanase ; comment on institua les sacrements les uns après les autres ; quelle fut la différence entre la synaxe et la messe ; comment l’Église chrétienne fut divisée depuis sa naissance en différents partis, et comment la société dominante traita toutes les autres d’hérétiques. Il sonda les profondeurs de la politique, qui se mêla toujours de ces querelles ; et il distingua entre la politique et la sagesse, entre l’orgueil, qui veut subjuguer les esprits, et le désir de s’éclairer soi-même, entre le zèle et le fanatisme.

La difficulté d’arranger dans sa tête tant de choses dont la nature est d’être confondues, et de jeter un peu de lumière sur tant de nuages, le rebuta souvent ; mais comme ces recherches étaient le devoir de son état, il s’y consacra malgré ses dégoûts. Il parvint enfin à des connaissances ignorées de la plupart de ses confrères. Plus il fut véritablement savant, plus il se défia de tout ce qu’il savait. Tandis qu’il vécut, il fut indulgent ; et à sa mort, il avoua qu’il avait consumé inutilement sa vie.



TITRES, voyez CÉRÉMONIES.



TOLÉRANCE.
SECTION PREMIÈRE[1].

J’ai vu dans les histoires tant d’horribles exemples du fanatisme, depuis les divisions des athanasiens et des ariens jusqu’à l’assassinat de Henri le Grand et au massacre des Cévennes ; j’ai vu de mes yeux tant de calamités publiques et particulières causées par cette fureur de parti, et par cette rage d’enthousiasme, depuis la tyrannie du jésuite Le Tellier jusqu’à la démence des convulsionnaires et des billets de confession, que je me suis demandé souvent à moi-même : La tolérance serait-elle un aussi grand mal que l’intolérance ? Et la liberté de conscience est-elle un fléau aussi barbare que les bûchers de l’Inquisition ?

C’est à regret que je parle des Juifs : cette nation est, à bien

  1. J’ai, le premier, publié, en 1821, ce qui forme cette section, d’après une copie que je tenais de feu M. Decroix, l’un des éditeurs de Kehl. (B.)