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THÉOLOGIE.

plus sublime sur la Divinité et sur l’origine des fêtes et des mystères ; ils gardaient ces secrets pour eux et pour les initiés. Ainsi dans les fêtes secrètes des mystères d’Éleusine on représentait le chaos et la formation de l’univers, et l’hiérophante chantait cette hymne : Écartez les préjugés qui vous détourneraient du chemin de la vie immortelle où vous aspirez ; élevez vos pensées vers la nature divine ; songez que vous marchez devant le maître de l’univers, devant le seul être qui soit par lui-même. » Ainsi dans la fête de l’autopsie on ne reconnaissait qu’un seul Dieu.

Ainsi tout était mystérieux dans les cérémonies de l’Égypte ; et le peuple, content de l’extérieur d’un appareil imposant, ne se croyait pas fait pour percer le voile qui lui cachait ce qui lui était d’autant plus vénérable.

Cette coutume, naturellement introduite dans toute la terre, ne laissa point d’aliments à l’esprit de dispute. Les théologiens du paganisme n’eurent point d’opinions à faire valoir dans le public, puisque le mérite de leurs opinions était d’être cachées ; et toutes les religions furent paisibles.

Si les théologiens chrétiens en avaient usé ainsi, ils se seraient concilié plus de respect. Le peuple n’est pas fait pour savoir si le verbe engendré est consubstantiel avec son générateur ; s’il est une personne avec deux natures, ou une nature avec deux personnes, ou une personne et une nature ; s’il est descendu dans l’enfer per effectum, et aux limbes per essentiam ; si on mange son corps avec les accidents seuls du pain, ou avec la matière du pain ; si sa grâce est versatile, suffisante, concomitante, nécessitante dans le sens composé ou dans le sens divisé. Neuf parts des hommes qui sur dix gagnent leur vie de leurs mains entendent peu ces questions ; les théologiens, qui ne les entendent pas davantage, puisqu’ils les épuisent depuis tant d’années sans être d’accord, et qu’ils disputeront encore, auraient mieux fait sans doute de mettre un voile entre eux et les profanes.

Moins de théologie et plus de morale les eût rendus vénérables aux peuples et aux rois ; mais en rendant leurs disputes publiques ils se sont fait des maîtres de ces mêmes peuples qu’ils voulaient conduire. Car qu’est-il arrivé ? Que ces malheureuses querelles ayant partagé les chrétiens, l’intérêt et la politique s’en sont nécessairement mêlés. Chaque État (même dans des temps d’ignorance) ayant ses intérêts à part, aucune Église ne pense précisément comme une autre, et plusieurs sont diamétralement opposées. Ainsi un docteur de Stockholm ne doit point penser comme un docteur de Genève ; l’anglican doit, dans Oxford,