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TENIR.

maître pour tenir boutique. Ce n’est que par tolérance qu’on tient académie de jeu. Tout citoyen peut tenir des chambres garnies. Pour tenir auberge, cabaret, il faut permission.

Tenir, pour demeurer, être longtemps dans la même situation. Ce général a tenu longtemps la campagne ; ce malade tient la chambre, le lit. Ce débiteur tient prison. Ce vaisseau a tenu la mer six mois. Il m’a tenu, je me suis tenu longtemps au froid, à l’air, à la pluie.

Tenir, pour convoquer, assembler, présider. Le pape tient concile consistoire, chapelle. Le roi tient conseil, tient le sceau. On tient les états, la chambre des vacations, les grands jours, etc. La foire se tient ; le marché se tient.

Tenir, pour exprimer les maux du corps et de l’âme. La goutte, la fièvre le tient. Son accès le tient ; quand sa colère le tient, il n’est plus maître de lui ; sa mauvaise humeur le tient, il n’en faut pas approcher. On voit bien ce qui le tient, c’est la peur. Qu’est-ce qui le tient ? la mauvaise honte.

Remarquez que quand ces affections de l’âme la maîtrisent, alors elles gouvernent le verbe : car ce sont elles qui agissent. Mais quand on semble les faire durer, c’est la personne qui gouverne le verbe. Il tint sa colère longtemps contre son rival. Il lui tint rancune. Il tient sa gravité, son quant-à-moi, son fier. Je tiens ma colère ne peut signifier, je retiens ma colère, mais au contraire je la garde. On ne peut dire tenir son courage, tenir son humeur, parce que le courage est une qualité qui doit toujours dominer, et l’humeur une affection involontaire. Personne ne veut avoir d’humeur, mais on veut bien avoir de la colère contre les méchants, contre les hypocrites, tenir sa colère contre eux. C’est par la même raison qu’on tient une conduite, un parti, parce qu’on est censé les vouloir tenir. Vous tenez votre sérieux, et votre sérieux ne vous tient pas. On tient rigueur, la rigueur ne vous tient pas.

Tenir, pour résister. La citadelle a tenu plus longtemps que la ville. Les ennemis pourront à peine tenir cette année. Ce général a tenu dans Prague contre une armée de soixante et dix mille hommes. Tenir tête, tenir bon, tenir ferme. Il tient au vent, à la pluie, à toutes les fatigues.

Tenir, pour avoir et entretenir. Il tient son fils au collége, à l’académie. Le roi tient des ambassadeurs dans plusieurs cours ; il tient garnison dans les villes frontières. Ce ministre tient des émissaires, des espions, dans les cours étrangères.

Tenir, pour croire, réputer. On ne tient plus, dans les écoles, les dogmes d’Aristote. Les mahométans tiennent que Dieu est incommunicable ; la plupart tiennent que l’Alcoran n’est pas de toute éternité. Les Indiens et les Chinois tiennent la métempsycose. Je me tiens heu-