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MARTYRS.

Nous n’en ferons point sur la lettre des Églises de Vienne et de Lyon, quoiqu’il y ait encore bien des obscurités ; maison on nous pardonnera de défendre la mémoire du grand Marc-Aurèle outragée dans la Vie de saint Symphorien de la ville d’Autun, qui était probablement parent de sainte Symphorose.

De saint Symphorien d’Autun.

La légende, dont on ignore l’auteur, commence ainsi : « L’empereur Marc-Aurèle venait d’exciter une effroyable tempête contre l’Église, et ses édits foudroyants attaquaient de tous côtés la religion de Jésus-Christ, lorsque saint Symphorien vivait dans Autun dans tout l’éclat que peut donner une haute naissance et une rare vertu, il était d’une famille chrétienne, et l’une des plus considérables de la ville, etc. »

Jamais Marc-Aurèle ne donna d’édit sanglant contre les chrétiens. C’est une calomnie très-condamnable. Tillemont lui-même avoue que « ce fut le meilleur prince qu’aient jamais eu les Romains ; que son règne fut un siècle d’or, et qu’il vérifia ce qu’il disait souvent, d’après Platon, que les peuples ne seraient heureux que quand les rois seraient philosophes ».

De tous les empereurs ce fut celui qui promulgua les meilleures lois ; il protégea tous les sages, et ne persécuta aucun chrétien, dont il avait un grand nombre à son service.

Le légendaire raconte que saint Symphorien ayant refusé d’adorer Cybèle, le juge de la ville demanda : « Qui est cet homme-là ? » Or il est impossible que le juge d’Autun n’eût pas connu l’homme le plus considérable d’Autun.

On le fait déclarer par la sentence coupable de lèse-majesté divine et humaine. Jamais les Romains n’ont employé cette formule, et cela seul ôterait toute créance au prétendu martyre d’Autun.

Pour mieux repousser la calomnie contre la mémoire sacrée de Marc-Aurèle, mettons sous les yeux le discours de Méliton, évêque de Sardes, à ce meilleur des empereurs, rapporté mot à mot par Eusèbe.

«[1]La suite continuelle des heureux succès qui sont arrivés à l’empire, sans que sa félicité ait été troublée par aucune disgrâce, depuis que notre religion, qui était née avec lui, s’est augmentée dans son sein, est une preuve évidente qu’elle contribue notable-

  1. Eusèbe, page 187, traduction de Cousin, in-4o (Note de Voltaire.)