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MARTYRS.

mac, un cinquième droit au cœur, un sixième à la gorge ; le septième mourut d’un paquet d’aiguilles enfoncées dans la poitrine. L’empereur Adrien aimait la variété. Il commanda qu’on les ensevelît auprès du temple d’Hercule, quoiqu’on n’enterrât personne dans Rome, encore moins près des temples, et que c’eût été une horrible profanation. Le pontife du temple, ajoute le légendaire, nomma le lieu de leur sépulture les sept Biotanates.

S’il était rare qu’on érigeât un monument dans Rome à des gens ainsi traités, il n’était pas moins rare qu’un grand-prêtre se chargeât de l’inscription, et même que ce prêtre romain leur fît une épitaphe grecque. Mais ce qui est encore plus rare, c’est qu’on prétende que ce mot biotanates signifie les sept suppliciés. Biotanates est un mot forgé qu’on ne trouve dans aucun auteur[1] ; et ce ne peut être que par un jeu de mots qu’on lui donne cette signification. en abusant du mot thenon. Il n’y a guère de fable plus mal construite. Les légendaires ont su mentir, mais ils n’ont jamais su mentir avec art.

Le savant La Croze[2] bibliothécaire du roi de Prusse Frédéric le Grand, disait : « Je ne sais pas si Ruinart est sincère, mais j’ai peur qu’il ne soit imbécile. »

Sainte Félicité et encore sept enfants.

C’est de Surius qu’est tirée cette légende. Ce Surius est un peu décrié pour ses absurdités. C’est un moine du xvie siècle qui raconte les martyres du second comme s’il avait été présent.

Il prétend que ce méchant homme, ce tyran Marc-Aurèle Antonin Pie ordonna au préfet de Rome de faire le procès à sainte Félicité, de la faire mourir, elle et ses sept enfants, parce qu’il courait un bruit qu’elle était chrétienne.

Le préfet tint son tribunal au Champ de Mars, lequel pourtant ne servait alors qu’à la revue des troupes ; et la première chose que fit le préfet, ce fut de lui faire donner un soufflet en pleine assemblée,

  1. On trouve Biothanatus dans Lampridius (vers la fin de la Vie d’Héliogabale), dans Julius Firmicus Maternus, dans Isidore de Séville, dans Tertullien, le plus ancien des quatre, et qui florissait au commencement du iiie siècle. Ce n’était plus le temps de la bonne latinité. (B.)
  2. Lacroze (Mathurin Weyssière de), né à Nantes le 4 décembre 1661, mort le 21 mai 1739, était bibliothécaire de Frédéric-Guillaume Ier, mais non de Frédéric le Grand, qui n’est devenu roi qu’à la mort de Frédéric-Guillaume Ier, le 31 mai 1740. (B.)

    — Voyez le Catalogue des écrivains français, en tête du Siècle de Louis XIV.