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SYMBOLE, OU CREDO[1].


Nous ne ressemblons point à Mlle Duclos, cette célèbre comédienne à qui on disait : « Je parie, mademoiselle, que vous ne savez pas votre Credo. — Ah, ah, dit-elle, je ne sais pas mon Credo ! je vais vous le réciter. Pater noster qui… Aidez-moi, je ne me souviens plus du reste. » Pour moi[2], je récite mon Pater et mon Credo tous les matins ; je ne suis point comme Broussin[3] dont Reminiac disait :

Broussin, dès l’âge le plus tendre,
Posséda la sauce-Robert,
Sans que son précepteur lui pût jamais apprendre
Ni son Credo ni son Pater.

Le symbole ou la collation vient du mot symbolein, et l’Église latine adopte ce mot, comme elle a tout pris de l’Église grecque. Les théologiens un peu instruits savent que ce symbole qu’on nomme des apôtres n’est point du tout des apôtres.

On appelait symbole chez les Grecs les paroles, les signes, auxquels les initiés aux mystères de Cérès, de Cybèle, de Mithra, se reconnaissaient[4] ; les chrétiens avec le temps eurent leur symbole. S’il avait existé du temps des apôtres, il est à croire que saint Luc en aurait parlé.

On attribue à saint Augustin une histoire du symbole dans son sermon 115 ; on lui fait dire dans ce sermon que Pierre avait commencé le symbole en disant : Je crois en Dieu père tout-puissant ; Jean ajouta : Créateur du ciel et de la terre ; Jacques ajouta : Je crois en Jésus-Christ son fils, notre Seigneur ; et ainsi du reste. On a retranché cette fable dans la dernière édition d’Augustin. Je m’en rapporte aux révérends Pères bénédictins pour savoir au juste s’il fallait retrancher ou non ce petit morceau, qui est curieux.

Le fait est que personne n’entendit parler de ce Credo pendant

  1. Questions sur l’Encyclopédie, neuvième partie, 1772. (B.)
  2. Les éditeurs de Kehl, par un double emploi qu’ils ont eux-mêmes signalé, avaient placé au mot Credo une partie de cet article, depuis ces mots : « Je récite, etc. » (B.)
  3. L’un des deux frères à qui est adressé le Voyage de Chapelle et Bachaumont.
  4. Arnobe, livre V, Symbola quæ rogata sacrorum, etc. Voyez aussi Clément d’Alexandrie, dans son sermon protreptique, ou Cohortatio ad gentes. (Note de Voltaire.)