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SUPPLICES.

après le concile de Narbonne tenu en 1235, que tout testament auquel on n’aurait pas appelé un prêtre serait nul ; et le pape décerna que le testateur et le notaire seraient excommuniés.

La taxe des péchés fut encore, s’il est possible, plus scandaleuse. C’était la force qui soutenait toutes ces lois auxquelles se soumettait la superstition des peuples ; et ce n’est qu’avec le temps que la raison fit abolir ces honteuses vexations, dans le temps qu’elle en laissait subsister d’autres.

Jusqu’à quel point la politique permet-elle qu’on ruine la superstition ? Cette question est très-épineuse ; c’est demander jusqu’à quel point on doit faire la ponction à un hydropique, qui peut mourir dans l’opération. Cela dépend de la prudence du médecin.

Peut-il exister un peuple libre de tous préjugés superstitieux ? C’est demander : Peut-il exister un peuple de philosophes ? On dit qu’il n’y a nulle superstition dans la magistrature de la Chine. Il est vraisemblable qu’il n’en restera aucune dans la magistrature de quelques villes d’Europe.

Alors ces magistrats empêcheront que la superstition du peuple ne soit dangereuse. L’exemple de ces magistrats n’éclairera pas la canaille, mais les principaux bourgeois la contiendront. Il n’y a peut-être pas un seul tumulte, un seul attentat religieux où les bourgeois n’aient autrefois trempé, parce que ces bourgeois alors étaient canaille ; mais la raison et le temps les auront changés. Leurs mœurs adoucies adouciront celles de la plus vile et de la plus féroce populace : c’est de quoi nous avons des exemples frappants dans plus d’un pays. En un mot, moins de superstitions, moins de fanatisme ; et moins de fanatisme, moins de malheurs.



SUPPLICES[1].
SECTION PREMIÈRE.

Oui, répétons, un pendu n’est bon à rien[2]. Probablement quelque bourreau, aussi charlatan que cruel, aura fait accroire aux imbéciles de son quartier que la graisse de pendu guérissait de l’épilepsie.

  1. Dans les Questions sur l’Encyclopédie, huitième partie, 1771, l’article se composait des deux premières sections, moins le dernier alinéa. (B.)
  2. Voyez tome XIX, page 626 ; tome XXI, le paragraphe x de l’Homme aux quarante écus ; et dans les Mélanges, année 1766, le paragraphe x du Commentaire sur le livre Des Délits et des Peines.