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SUPERSTITION.

Polonais, si vous n’êtes pas philosophes, du moins ne vous égorgez pas. Français et Welches, réjouissez-vous, et ne vous querellez plus.

Espagnols, que les noms d’Inquisition et de Sainte-Hermandad ne soient plus prononcés parmi vous. Turcs qui avez asservi la Grèce, moines qui l’avez abrutie, disparaissez de la terre.


SECTION IV[1].
CHAPITRE TIRÉ DE CICÉRON, DE SÉNÈQUE, ET DE PLUTARQUE.

Presque tout ce qui va au delà de l’adoration d’un Être suprême, et de la soumission du cœur à ses ordres éternels, est superstition. C’en est une très-dangereuse que le pardon des crimes attaché à certaines cérémonies.

Et nigras mactant pecudes, et manibu’ divis
Inferias mittunt.

(Lucrèce, III, 52-53.)

Ah ! nimium faciles qui tristia crimina cædis,
Fluminea tolli posse putatis aqua !

(Ovide, Fast., II, 45-46.)

Vous pensez que Dieu oubliera votre homicide, si vous vous baignez dans un fleuve, si vous immolez une brebis noire, et si on prononce sur vous des paroles. Un second homicide vous sera donc pardonné au même prix, et ainsi un troisième, et cent meurtres ne vous coûteront que cent brebis noires et cent ablutions ! Faites mieux, misérables humains, point de meurtres et point de brebis noires.

Quelle infâme idée d’imaginer qu’un prêtre d’Isis et de Cybèle, en jouant des cymbales et des castagnettes, vous réconciliera avec la Divinité ! Et qu’est-il donc ce prêtre de Cybèle, cet eunuque errant qui vit de vos faiblesses, pour s’établir médiateur entre le Ciel et vous ? Quelles patentes a-t-il reçues de Dieu ? Il reçoit de l’argent de vous pour marmotter des paroles, et vous pensez que l’Être des êtres ratifie les paroles de ce charlatan !

Il y a des superstitions innocentes ; vous dansez les jours de fêtes en l’honneur de Diane ou de Pomone, ou de quelqu’un de ces dieux secondaires dont votre calendrier est rempli : à la bonne

  1. En 1764, faisait tout l’article ; en 1765, faisait la première section de l’article dans le Dictionnaire philosophique. (B.)