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MARTYRS.



MARTYRS[1].


SECTION PREMIÈRE.


Martyr, témoin ; martyrion, témoignage. La société chrétienne naissante donna d’abord le nom de martyrs à ceux qui annonçaient nos nouvelles vérités devant les hommes, qui rendaient témoignage à Jésus, qui confessaient Jésus, comme on donna le nom de saints aux presbytes, aux surveillants de la société, et aux femmes leurs bienfaitrices ; c’est pourquoi saint Jérôme appelle souvent dans ses lettres son affiliée Paule, sainte Paule. Et tous les premiers évêques s’appelaient saints.

Le nom de martyrs dans la suite ne fut plus donné qu’aux chrétiens morts ou tourmentés dans les supplices ; et les petites chapelles qu’on leur érigea depuis reçurent le nom de martyrion.

C’est une grande question pourquoi l’empire romain autorisa toujours dans son sein la secte juive, même après les deux horribles guerres de Titus et d’Adrien ; pourquoi il toléra le culte isiaque à plusieurs reprises, et pourquoi il persécuta souvent le christianisme. Il est évident que les juifs, qui payaient chèrement leurs synagogues, dénonçaient les chrétiens, leurs ennemis mortels, et soulevaient les peuples contre eux. Il est encore évident que les juifs, occupés du métier de courtiers et de l’usure, ne prêchaient point contre l’ancienne religion de l’empire, et que les chrétiens, tous engagés dans la controverse, prêchaient contre le culte public, voulaient l’anéantir, brûlaient souvent les temples, brisaient les statues consacrées, comme firent saint Théodore dans Amasée, et saint Polyeucte dans Mitylène.

Les chrétiens orthodoxes, étant sûrs que leur religion était la seule véritable, n’en toléraient aucune autre. Alors on ne les toléra guère. On en supplicia quelques-uns, qui moururent pour la foi, et ce furent les martyrs.

Ce nom est si respectable qu’on ne doit pas le prodiguer ; il n’est pas permis de prendre le nom et les armes d’une maison

  1. Dans la première édition des Questions sur l’Encyclopédie, huitième partie, 1771, l’article Martyrs se composait de deux sections. La première était ce qu’elle est aujourd’hui ; la seconde était intitulée Extrait d’une lettre écrite à un docteur apologiste de dom Ruinart, et se composait des paragraphes xxiii et xxiv des Conseils raisonnables à M. Bergier (voyez les Mélanges, année 1768).

    Ce qui forme aujourd’hui la section ii fut ajouté dans l’édition in-4o, en 1774, et y formait la iiie section. (B.)