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SOMNAMBULES.

reçoit une foule ; l’un est insensible comme un marbre, l’autre éprouve des désirs et des jouissances. Un amant fait en rêvant une chanson pour sa maîtresse, qui dans son délire croit lui écrire une lettre tendre, et qui en récite tout haut les paroles.

Scribit amatori meretrix ; dat adultera munus...
In noctis spatio miserorum vulnera durant.

(Pétrone, ch. civ, vers 14 et 16.)

S’est-il passé autre chose dans votre machine, pendant ce rêve si puissant sur vous, que ce qui se passe tous les jours dans votre machine éveillée ?

Vous, monsieur le séminariste, né avec le don de l’imitation, vous avez écouté cent sermons, votre cerveau s’est monté à en faire ; vous en avez écrit en veillant, poussé par le talent d’imiter ; vous en écrivez de même en dormant. Comment s’est-il pu faire que vous soyez devenu prédicateur en rêve, vous étant couché sans aucune volonté de prêcher ? Ressouvenez-vous bien de la première fois que vous mîtes par écrit l’esquisse d’un sermon pendant la veille. Vous n’y pensiez pas le quart d’heure d’auparavant ; vous étiez dans votre chambre, livré à une rêverie vague sans aucune idée déterminée ; votre mémoire vous rappelle, sans que votre volonté s’en mêle, le souvenir d’une certaine fête : cette fête vous rappelle qu’on prêche ce jour-là ; vous vous souvenez d’un texte, ce texte fournit un exorde ; vous avez auprès de vous encre et papier, vous écrivez des choses que vous ne pensiez pas devoir jamais écrire.

Voilà précisément ce qui vous est arrivé dans votre acte de noctambule.

Vous avez cru dans l’une et l’autre opération ne faire que ce que vous vouliez ; et vous avez été dirigé sans le savoir par tout ce qui a précédé l’écriture de ce sermon.

De même lorsque, en sortant de vêpres, vous vous êtes enfermé dans votre cellule pour méditer, vous n’aviez nul dessein de vous occuper de votre voisine : cependant son image s’est peinte à vous quand vous n’y pensiez pas ; votre imagination s’est allumée sans que vous ayez songé à un éteignoir ; vous savez ce qui s’en est ensuivi.

Vous avez éprouvé la même aventure pendant votre sommeil.

Quelle part avez-vous eue à toutes ces modifications de votre individu ? La même que vous avez à la course de votre sang dans vos artères et dans vos veines, à l’arrosement de vos vaisseaux lymphatiques, au battement de votre cœur et de votre cerveau.