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SICLE.

épaule, et qu’elle lui eut donné à boire, à lui et à ses chameaux, il lui donna des pendants d’oreilles d’or qui pesaient deux sicles[1], et des bracelets d’or qui en pesaient dix. C’était un présent de vingt-quatre guinées.

Parmi les lois de l’Exode, il est dit que si un bœuf frappe de ses cornes un esclave mâle ou femelle, le possesseur du bœuf donnera trente sicles d’argent au maître de l’esclave, et le bœuf sera lapidé. Apparemment il était sous-entendu que le bœuf aurait fait une blessure dangereuse : sans quoi trente-deux écus auraient été une somme un peu trop forte vers le mont Sinaï, où l’argent n’était pas commun. C’est ce qui a fait soupçonner à plusieurs graves personnages, mais trop téméraires, que l’Exode ainsi que la Genèse n’avaient été écrits que dans des temps postérieurs.

Ce qui les a confirmés dans leur opinion erronée, c’est qu’il est dit dans le même Exode[2] : « Prenez d’excellente myrrhe du poids de cinq cents sicles, deux cent cinquante de cinnamum, deux cent cinquante de cannes de sucre, deux cent cinquante de casse, quatre pintes et chopine d’huile d’olive, pour oindre le tabernacle ; et on fera mourir quiconque s’oindra d’une pareille composition, ou en oindra un étranger. »

Il est ajouté qu’à tous ces aromates on joindra du stacté, de l’onyx, du galbanum, et de l’encens brillant, et que du tout on doit faire une colature selon l’art du parfumeur.

Mais je ne vois pas ce qui a dû tant révolter les incrédules dans cette composition. Il est naturel de penser que les Juifs, qui, selon le texte, volèrent aux Égyptiens tout ce qu’ils purent emporter, aient volé de l’encens brillant, du galbanum, de l’onyx, du stacté, de l’huile d’olive, de la casse, des cannes de sucre, du cinnamum, et de la myrrhe. Ils avaient aussi volé sans doute beaucoup de sicles ; et nous avons vu[3] qu’un des plus zélés partisans de cette horde hébraïque évalue ce qu’ils avaient volé seulement en or à neuf millions. Je ne compte pas après lui.



SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES,


ET DES ACADÉMIES[4].


  1. Genèse, chapitre xxiv, v. 22. (Note de Voltaire.)
  2. Exode, chapitre xxx, v. 23 et suivants. (Id.)
  3. Tome XIX, pages 162 et 531.
  4. C’est la vingt-quatrième des Lettres philosophiques, avec quelques corrections. Voyez Mélanges, année 1734. (B.)