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MARIE MAGDELEINE.

chant ive sur le bord du crime. Il imite un peu le fameux sermon de Menot. Il introduit sur la scène Marie Magdeleine, sœur de Marthe et du Lazare, brillante de tous les charmes de la jeunesse et de la beauté, brûlante de tous les désirs, et plongée dans toutes les voluptés. C’est, selon lui, une dame de la cour ; ses richesses égalent sa naissance, son frère Lazare était comte de Béthanie, et elle marquise de Magdalet. Marthe eut un grand apanage, mais il ne nous dit pas où étaient ses terres. « Elle avait, dit le christiadier, cent domestiques et une foule d’amants ; elle eût attenté à la liberté de tout l’univers. Richesses, dignités, grandeurs ambitieuses, vous ne fûtes jamais si chères à Magdeleine que la séduisante erreur qui lui fit donner le surnom de pécheresse. Telle était la beauté dominante dans la capitale, quand le jeune et divin héros y arriva des extrémités de la Galilée[1]. Ses autres passions calmées cèdent à l’ambition de soumettre le héros dont on lui a parlé. »

Alors le christiadier imite Virgile. La marquise de Magdalet conjure sa sœur l’apanagée de faire réussir ses desseins coquets auprès de son jeune héros, comme Didon employa sa sœur Anne auprès du pieux Énée.

Elle va entendre le sermon de Jésus dans le temple, quoiqu’il n’y prêchât jamais[2]. « Son cœur vole au-devant du héros qu’elle adore, elle n’attend qu’un regard favorable pour en triompher, et faire de ce maître des cœurs un captif soumis. »

Enfin elle va le trouver chez Simon le lépreux, homme fort riche, qui lui donnait un grand souper, quoique jamais les femmes n’entrassent ainsi dans les festins, et surtout chez les pharisiens. Elle lui répand un grand pot de parfums sur les jambes, les essuie avec ses beaux cheveux blonds, et les baise.

Je n’examine pas si la peinture que fait l’auteur des saints transports de Magdeleine n’est pas plus mondaine que dévote ; si les baisers donnés sont exprimés avec assez de retenue ; si ces beaux cheveux blonds dont elle essuie les jambes de son héros ne ressemblent pas un peu trop à Trimalcion, qui à dîner s’essuyait les mains aux cheveux d’un jeune et bel esclave. Il faut qu’il ait pressenti lui-même qu’on pourrait trouver ses peintures trop lascives. Il va au-devant de la critique, en rapportant quelques morceaux d’un sermon de Massillon sur la Magdeleine. En voici un passage :

  1. Il n’y avait pas bien loin. (Note de Voltaire.)
  2. Page 10, tome III. (Id.)