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SECTE.

deviendrez-vous sans elles? Si elles étaient toutes des Dacier, elles vous liraient encore moins. N’est-il pas vrai, madame ? on ne réussira jamais si on ne connaît bien le goût de son siècle et le génie de sa langue.



SECTE.


SECTION PREMIÈRE[1].


Toute secte, en quelque genre que ce puisse être, est le ralliement du doute et de l’erreur. Scotistes, thomistes, réaux, nominaux, papistes, calvinistes, molinistes, jansénistes, ne sont que des noms de guerre.

Il n’y a point de secte en géométrie ; on ne dit point un euclidien, un archimédien.

Quand la vérité est évidente, il est impossible qu’il s’élève des partis et des factions. Jamais on n’a disputé s’il fait jour à midi.

La partie de l’astronomie qui détermine le cours des astres et le retour des éclipses étant une fois connue, il n’y a plus de dispute chez les astronomes.

On ne dit point, en Angleterre, je suis newtonien, je suis lockien, halleyen ; pourquoi ? parce que quiconque a lu ne peut refuser son consentement aux vérités enseignées par ces trois grands hommes. Plus Newton est révéré, moins on s’intitule newtonien ; ce mot supposerait qu’il y a des antinewtoniens en Angleterre. Nous avons peut-être encore quelques cartésiens en France : c’est uniquement parce que le système de Descartes est un tissu d’imaginations erronées et ridicules.

Il en est de même dans le petit nombre de vérités de fait qui sont bien constatées. Les actes de la Tour de Londres ayant été authentiquement recueillis par Rymer[2], il n’y a point de rymériens, parce que personne ne s’avise de combattre ce recueil. On n’y trouve ni contradictions, ni absurdités, ni prodiges : rien qui révolte la raison, rien par conséquent que des sectaires s’efforcent de soutenir ou de renverser par des raisonnements absurdes. Tout le monde convient donc que les Actes de Rymer sont dignes de foi.

  1. Cette section formait tout l’article dans le Dictionnaire philosophique, 1765. (B.)
  2. Fœdera, conventiones, litterœ, etc., inter Angliœ et alios quosvis imperatores, reges, etc., ab anno 1101 ad nostra usque tempera habita aut tractata ; Londres, 1704-35, 20 volumes in-folio ; Londres, 1727-35, 20 volumes in-folio ; la Haye, 1745, 20 tomes, en 10 volumes in-folio. (B.)