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SCOLIASTE.

des voleurs. Mais vous savez combien on se moqua du savant évêque, qui fit de Moïse un Mercure, un Bacchus, un Priape, un Adonis, etc. Assurément Horace ne se doutait pas que Mercure serait un jour comparé à Moïse dans les Gaules.

Quant à cette ode à Mercure, vous croyez que c’est une hymne dans laquelle Horace l’adore ; et moi, je soupçonne qu’il s’en moque.

Vous croyez qu’on donna l’épithète de Liber à Bacchus[1] parce que les rois s’appelaient Liberi. Je ne vois dans l’antiquité aucun roi qui ait pris ce titre. Ne se pourrait-il pas que la liberté avec laquelle les buveurs parlent à table eût valu cette épithète au dieu des buveurs ?

O matre pulchra filia pulchrior[2].

Vous traduisez : « Belle Tyndaris, qui pouvez seule remporter le prix de la beauté sur votre charmante mère. » Horace dit seulement : « Votre mère est belle, et vous êtes plus belle encore. » Cela me paraît plus court et mieux ; mais je puis me tromper.

Horace, dans cette ode, dit que Prométhée, ayant pétri l’homme de limon, fut obligé d’y ajouter les qualités des autres animaux, et qu’il mit dans son cœur la colère du lion.

Vous prétendez que cela est imité de Simonide, qui assure que Dieu, ayant fait l’homme et n’ayant plus rien à donner à la femme, prit chez les animaux tout ce qui lui convenait, donna aux unes les qualités du pourceau, aux autres celles du renard, à celles-ci les talents du singe, à ces autres ceux de l’âne. Assurément Simonide n’était pas galant, ni Dacier non plus.

In me tota ruens Venus[3]
Cyprum deseruit.

Vous traduisez : « Vénus a quitté entièrement Chypre pour venir loger dans mon cœur. »

N’aimez-vous pas mieux ces vers de Racine[4] :

Ce n’est plus une ardeur dans mes veines cachée,
C’est Vénus tout entière à sa proie attachée ?

Dulce ridentem Lalagen amabo
Dulce loquentem[5].

  1. Note sur l’ode xii. (Note de Voltaire.)
  2. Ode xvi. (Id.)
  3. Ode xix. (Note de Voltaire.)
  4. Phèdre, I, iii.
  5. Ode xxii. (Note de Voltaire.)