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SCOLIASTE.

Il faut que je vous dise un mot sur la quatrième ode[1] dans laquelle le « beau Printemps revient avec le Zéphyre ; Vénus ramène les Amours, les Grâces, les Nymphes ; elles dansent d’un pas léger et mesuré aux doux rayons de Diane, qui les regarde, tandis que Vulcain embrase les forges des laborieux Cyclopes ».

Vous traduisez : « Vénus recommence à danser au clair de la lune avec les Grâces et les Nymphes, pendant que Vulcain est empressé à faire travailler ses Cyclopes. »

Vous dites dans vos remarques que l’on n’a jamais vu de cour plus jolie que celle de Vénus, et qu’Horace fait ici une allégorie fort galante : car par Vénus il entend les femmes, par les Nymphes il entend les filles, et par Vulcain il entend les sots qui se tuent du soin de leurs affaires, tandis que leurs femmes se divertissent. Mais êtes-vous bien sûr qu’Horace ait entendu tout cela ?

Dans l’ode sixième, Horace dit :

Nos convivia, nos prælia virginum
Sectis in juvenes unguibus acrium
Cantamus vacui, sivo quid urimur,
Non præter solitum leves.

« Pour moi, soit que je sois libre, soit que j’aime, suivant ma légèreté ordinaire, je chante nos festins et les combats de nos jeunes filles qui menacent leurs amants de leurs ongles, qui ne peuvent les blesser. »

Vous traduisez : « En quelque état que je sois, libre ou amoureux, et toujours prêt à changer, je ne m’amuse qu’à chanter les combats des jeunes filles qui se font les ongles pour mieux égratigner leurs amants. »

Mais j’oserai vous dire, monsieur, qu’Horace ne parle point d’égratigner, et que mieux on coupe ses ongles, moins on égratigne.

Voici un trait plus curieux que celui des filles qui égratignent. Ils s’agit de Mercure dans l’ode dixième ; vous dites qu’il est vraisemblable qu’on n’a donné à Mercure la qualité de dieu des larrons[2] « que par rapport à Moïse, qui commanda à ses Hébreux de prendre tout ce qu’ils pourraient aux Égyptiens, comme le remarque le savant Huet, évêque d’Avranches, dans sa Démonstration évangélique ».

Ainsi, selon vous et cet évêque, Moïse et Mercure sont les patrons

  1. Ode iv. (Note de Voltaire.)
  2. Ode x. (Id.)