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SCANDALE.

la meule et jouer du violon. Un jour qu’il jouait dans un temple philistin entre deux colonnes du temple, il fut indigné que les Philistins eussent des temples à colonnade, tandis que les Juifs n’avaient qu’un tabernacle porté sur quatre bâtons. Il sentit que ses cheveux commençaient à revenir. Transporté d’un saint zèle, il jeta à terre les deux colonnes ; le temple fut renversé ; les Philistins furent écrasés, et lui aussi.

Telle est mot à mot cette préface.

C’est cette histoire qui est le sujet de la pièce de Milton et de Romagnesi : elle était faite pour la farce italienne.



SCANDALE[1].


Sans rechercher si le scandale était originairement une pierre qui pouvait faire tomber les gens, ou une querelle, ou une séduction, tenons-nous-en à la signification d’aujourd’hui. Un scandale est une grave indécence. On l’applique principalement aux gens d’église. Les Contes de La Fontaine sont libertins ; plusieurs endroits de Sanchez, de Tambourin, de Molina, sont scandaleux. On est scandaleux par ses écrits ou par sa conduite. Le siége que soutinrent les augustins contre les archers du guet, au temps de la Fronde, fut scandaleux. La banqueroute du frère jésuite La Valette fut plus que scandaleuse. Le procès des révérends Pères capucins de Paris, en 1764, fut un scandale très-réjouissant. Il faut en dire ici un petit mot pour l’édification du lecteur.

Les révérends Pères capucins s’étaient battus dans le couvent : les uns avaient caché leur argent, les autres l’avaient pris. Jusque-là ce n’était qu’un scandale particulier, une pierre qui ne pouvait faire tomber que des capucins ; mais quand l’affaire fut portée au parlement, le scandale devint public.

Il est dit[2] au procès qu’il faut douze cents livres de pain par semaine au couvent de Saint-Honoré, de la viande, du vin, du bois à proportion, et qu’il y a quatre quêteurs en titre d’office chargés de lever ces contributions dans la ville. Quel scandale épouvantable ! douze cents livres de viande et de pain par semaine pour quelques capucins, tandis que tant d’artistes accablés de vieillesse, et tant d’honnêtes veuves, sont exposés tous les jours à périr de misère !

  1. Questions sur l’Encyclopédie, neuvième partie, 1772. (B.)
  2. Page 27 du Mémoire contre frère Athanase, présenté au parlement. (Note de Voltaire.)