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RELIQUES.
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tous dans l’espace de dix jours, parce qu’ils avaient vu le corps du saint. Que lorsque les Romains donnent des reliques, ils ne touchent jamais aux corps sacrés, mais se contentent de mettre dans une boîte quelques linges et de les en approcher. Que ces linges ont la même vertu que les reliques, et font autant de miracles. Que certains Grecs doutant de ce fait, le pape Léon se fit apporter des ciseaux, et ayant coupé en leur présence de ces linges qu’on avait approchés des corps saints, il en sortit du sang. Qu’à Rome, dans l’Occident, c’est un sacrilége de toucher aux corps des saints ; et que si quelqu’un l’entreprend, il peut s’assurer que son crime ne sera pas impuni. Que c’est pour cela qu’il ne peut se persuader que les Grecs aient la coutume de transporter les reliques. Que des Grecs ayant osé déterrer la nuit des corps proches de l’église de Saint-Paul, dans le dessein de les transporter en leur pays, ils furent aussitôt découverts ; et que c’est ce qui le persuade que les reliques qui se transportent de la sorte sont fausses. Que des Orientaux, prétendant que les corps de saint Pierre et de saint Paul leur appartenaient, vinrent à Rome pour les emporter dans leur patrie ; mais qu’arrivés aux catacombes où ces corps reposaient, lorsqu’ils voulurent les prendre, des éclairs soudains, des tonnerres effroyables, dispersèrent leur multitude épouvantée, et les forcèrent de renoncer à leur entreprise. Que ceux qui ont suggéré à Constantine de lui demander la tête de saint Paul n’ont eu dessein que de lui faire perdre ses bonnes grâces.

Saint Grégoire finit par ces mots : J’ai cette confiance en Dieu que vous ne serez pas privée du fruit de votre bonne volonté, ni de la vertu des saints apôtres, que vous aimez de tout votre cœur et de tout votre esprit ; et que si vous n’avez pas leur présence corporelle, vous jouirez toujours de leur protection.

Cependant l’histoire ecclésiastique fait foi que les translations de reliques étaient également fréquentes en Occident et en Orient ; bien plus, l’auteur des notes sur cette lettre observe que le même saint Grégoire, dans la suite, donna divers corps saints, et que d’autres papes en ont donné jusqu’à six ou sept à un seul particulier.

Après cela, faut-il s’étonner de la faveur qu’eurent les reliques dans l’esprit des peuples et des rois ? Les serments les plus ordinaires des anciens Français se faisaient sur les reliques des saints. Ce fut ainsi que les rois Gontran, Sigebert et Chilpéric partagèrent les États de Clotaire, et convinrent de jouir de Paris en commun. Ils en firent le serment sur les reliques de saint Polyeucte,