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RELIQUES.

qu’il est le maître de tous et le plus excellent de tous. Porphyre[1], qui, comme saint Paul[2], qualifie le Dieu suprême de Dieu qui est au-dessus de toutes choses, ajoute qu’on ne doit lui sacrifier rien de sensible, rien de matériel, parce qu’étant un esprit pur, tout ce qui est matériel est impur pour lui. Il ne peut être dignement honoré que par la pensée et les sentiments d’une âme qui n’est souillée d’aucune passion vicieuse.

En un mot, Saint Augustin[3], en déclarant avec naïveté qu’il n’ose parler librement sur plusieurs semblables abus, pour ne pas donner occasion de scandale à des personnes pieuses ou à des brouillons, fait assez voir que les évêques usaient avec les païens, pour les convertir, de la même connivence que saint Grégoire recommandait deux siècles après pour convertir l’Angleterre. Ce pape, consulté par le moine Augustin sur quelques restes de cérémonies, moitié civiles, moitié païennes, auxquelles les Anglais, nouveaux convertis, ne voulaient pas renoncer, lui répondit : « On n’ôte point à des esprits durs toutes leurs habitudes à la fois ; on n’arrive point sur un rocher escarpé en y sautant, mais en s’y traînant pas à pas. »

La réponse du même pape à Constantine, fille de l’empereur Tibère Constantin, et épouse de Maurice, qui lui demandait la tête de saint Paul, pour mettre dans un temple qu’elle avait bâti à l’honneur de cet apôtre, n’est pas moins remarquable. Saint Grégoire[4] mande à cette princesse que les corps des saints brillent de tant de miracles qu’on n’ose même approcher de leurs tombeaux pour y prier, sans être saisi de frayeur. Que son prédécesseur (Pélage II) ayant voulu ôter de l’argent qui était sur le tombeau de saint Pierre, pour le mettre à la distance de quatre pieds, il lui apparut des signes épouvantables. Que lui Grégoire voulant faire quelques réparations au monument de saint Paul, comme il fallait creuser un peu avant, et celui qui avait la garde du lieu ayant eu la hardiesse de lever des os, qui ne touchaient pas au tombeau de l’apôtre, pour les transporter ailleurs, il lui apparut aussi des signes terribles, et il mourut sur-le-champ. Que son prédécesseur ayant voulu aussi faire des réparations au tombeau de saint Laurent, on découvrit imprudemment le cercueil où était le corps du martyr ; et quoique ceux qui y travaillaient fussent des moines et des officiers du temple, ils moururent

  1. De l’Abstinence, livre II, article xxxiv. (Note de Voltaire.)
  2. Épitre aux Romains, chapitre ix, v. 5. (Id.)
  3. Cité de Dieu, livre XXII, chapitre viii. (Id.)
  4. Lettre xxx, indict. xii, livre III. (Id.)