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MARIAGE.

« Le père de famille ne veut pas rougir devant ses enfants. Il craint de leur laisser l’opprobre pour héritage.

« Mariez vos soldats, ils ne déserteront plus. Liés à leur famille, ils le seront à leur patrie. Un soldat célibataire n’est souvent qu’un vagabond à qui il serait égal de servir le roi de Naples et le roi de Maroc.

« Les guerriers romains étaient mariés ; ils combattaient pour leurs femmes et pour leurs enfants ; et ils firent esclaves les femmes et les enfants des autres nations. »

Un grand politique italien, qui d’ailleurs était fort savant dans les langues orientales, chose très-rare chez nos politiques, me disait dans ma jeunesse : « Caro figlio, souvenez-vous que les Juifs n’ont jamais eu qu’une bonne institution, celle d’avoir la virginité en horreur. Si ce petit peuple de courtiers superstitieux n’avait pas regardé le mariage comme la première loi de l’homme, s’il y avait eu chez lui des couvents de religieuses, il était perdu sans ressources. »

SECTION II[1].

Le mariage est un contrat du droit des gens, dont les catholiques romains ont fait un sacrement.

Mais le sacrement et le contrat sont deux choses bien différentes : à l’un sont attachés les effets civils, à l’autre les grâces de l’Église.

Ainsi lorsque le contrat se trouve conforme au droit des gens, il doit produire tous les effets civils. Le défaut de sacrement ne doit opérer que la privation des grâces spirituelles.

Telle a été la jurisprudence de tous les siècles et de toutes les nations, excepté des Français. Tel a été même le sentiment des Pères de l’Église les plus accrédités.

Parcourez les codes Théodosien et Justinien, vous n’y trouverez aucune loi qui ait proscrit les mariages des personnes d’une autre croyance, lors même qu’ils avaient été contractés avec des catholiques.

Il est vrai que Constance, ce fils de Constantin, aussi cruel que son père, défendit aux juifs, sous peine de mort, de se marier avec des femmes chrétiennes[2], et que Valentinien, Théodose, Arcade, firent la même défense, sous les mêmes peines, aux femmes juives. Mais ces lois n’étaient déjà plus observées

  1. Voyez la note 3 de la page précédente.
  2. Cod. Théod., lit. de Judœis, loi VI. (Note de Voltaire.)