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QUISQUIS. LANGLEVIEL.

s’obstinait à ruiner totalement la France pour placer un de ses petits-fils sur un trône étranger[1] ?

« Était-il juste, respectait-il les lois, était-il plein des droits de l’humanité quand il écrasait son peuple d’impôts[2] ; quand, pour soutenir des entreprises imprudentes, il imaginait mille nouvelles espèces de tributs, telles que le papier marqué, qui excita une révolte à Rennes et à Bordeaux ; quand, en 1691[3], il abîmait par quatre-vingts édits bursaux quatre-vingt mille familles ; quand, en 1692[4], il extorquait l’argent de ses sujets par cinquante-cinq édits ; quand, en 1693[5], il épuisait leur patience et appauvrissait leur misère par soixante autres ?

« Protégeait-il les lois, observait-il la justice distributive, respectait-il les droits de l’humanité, faisait-il de grandes choses pour le bien public, mettait-il la France au-dessus de toutes les monarchies de la terre, quand, pour abattre par les fondements un édit accordé au cinquième de la nation, il surseyait, en 1676, pour trois ans les dettes des prosélytes[6] ? »

Ce n’est pas le seul endroit où ce monsieur insulte avec brutalité à la mémoire d’un de nos grands rois, et qui est si chère à son successeur. Il a osé dire ailleurs que Louis XIV avait empoisonné le marquis de Louvois son ministre[7] ; que le régent avait empoisonné la famille royale[8], et que le père du prince de Condé d’aujourd’hui avait fait assassiner Vergier ; que la maison d’Autriche a des empoisonneurs à gages.

  1. Oublie-t-il les droits du roi d’Espagne, le testament de Charles, les vœux de la nation, l’ambassade qui vint demander à Louis XIV son petit-fils pour roi ? Langleviel veut-il détrôner les souverains d’Espagne, de Naples, de Sicile et de Parme ? (Note de Voltaire.)
  2. Il remit pour quatre millions d’impôts en 1662 ; et il fournit du blé aux pauvres à ses dépens. (Id.)
  3. Il ne mit aucun impôt sur le peuple en 1691, dans le plus fort d’une guerre très-ruineuse. Il créa pour un million de rentes sur l’Hôtel de Ville, des augmentations de gages, de nouveaux offices, et pas une seule taxe sur les cultivateurs ni sur les marchands. Son revenu, cette année, ne monta qu’à cent douze millions deux cent cinquante et une mille livres. (Id.)
  4. Même erreur. (Id.)
  5. Même erreur. Il est donc démontré que cet ignorant est le plus infâme calomniateur ; et de qui ? de ses rois. (Id.)
  6. Cette grâce accordée aux prosélytes n’était point à charge à l’État : on voit seulement dans cette observation l’audace d’un petit huguenot, qui a été apprenti prédicant à Genève, et qui, n’imitant pas la sagesse de ses confrères, s’est rendu indigne de la protection qu’il a surprise en France. (Id.)
  7. Tome III, pages 209 et 270, du Siècle de Louis XIV, qu’il falsifia et qu’il vendit, chargé de notes infâmes, à un libraire de Francfort, nommé Esslinger, comme il a eu l’impudence de l’avouer lui-même. (Id.)
  8. Tome III, page 323. (Id.)