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QUISQUIS. RAMUS.

Que de nos jours cet autre procès de la Cadière ne fut intenté que par la jalousie d’un jacobin contre un jésuite qui avait disputé avec lui sur la grâce ?

Qu’une misérable querelle de littérature dans un café fut la première origine de ce fameux procès de Jean-Baptiste Rousseau le poëte ; procès dans le quel un philosophe innocent fut sur le point de succomber par des manœuvres bien criminelles ?

N’avons-nons pas vu l’abbé Guyot-Desfontaines dénoncer le pauvre abbé Pellegrin comme auteur d’une pièce de théâtre, et lui faire ôter la permission de dire la messe, qui était son gagne-pain ?

Le fanatique Jurieu ne persécuta-t-il pas sans relâche le philosophe Pierre Bayle ; et, lorsqu’il fut parvenu enfin à le faire dépouiller de sa pension et de sa place, n’eut-il pas l’infamie de le persécuter encore ?

Le théologien Lange n’accusa-t-il pas Wolf, non-seulement de ne pas croire en Dieu, mais encore d’avoir insinué dans son cours de géométrie qu’il ne fallait pas s’enrôler au service du second roi de Prusse ? Et sur cette belle délation, le roi ne donna-t-il pas au vertueux Wolf le choix de sortir de ses États dans vingt-quatre heures, ou d’être pendu ? Enfin, la cabale jésuitique ne voulut-elle pas perdre Fontenelle ?

Je vous citerais cent exemples des fureurs de la jalousie pédantesque ; et j’ose maintenir, à la honte de cette indigne passion, que si tous ceux qui ont persécuté les hommes célèbres ne les ont pas traités comme les gens de collége traitèrent Ramus, c’est qu’ils ne l’ont pas pu.

C’est surtout dans la canaille de la littérature et dans la fange de la théologie que cette passion éclate avec le plus de rage.

Nous allons, mon cher lecteur, vous en donner quelques exemples.


Exemples des persécutions que des hommes de lettres inconnus ont excitées ou tâché d’exciter contre des hommes de lettres connus.


Le catalogue de ces persécutions serait bien long ; il faut se borner.