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PUISSANCE.

de peuples divers qu’il y a de différentes croyances parmi les hommes, la faute la plus nuisible serait l’intolérance. »

Remarquez qu’elle n’hésite pas de mettre l’intolérance au rang des fautes, j’ai presque dit des délits. Ainsi une impératrice despotique détruit dans le fond du Nord la persécution et l’esclavage, tandis que dans le Midi....

[1]Jugez après cela, monsieur, s’il se trouvera un honnête homme dans l’Europe qui ne sera pas prêt de signer le panégyrique que vous méditez. Non-seulement cette princesse est tolérante, mais elle veut que ses voisins le soient. Voilà la première fois qu’on a déployé le pouvoir suprême pour établir la liberté de conscience. C’est la plus grande époque que je connaisse dans l’histoire moderne.

C’est à peu près ainsi que les anciens Persans défendirent aux Carthaginois d’immoler des hommes.

Plût à Dieu qu’au lieu des barbares qui fondirent autrefois des plaines de la Scythie et des montagnes de l’Immaüs et du Caucase vers les Alpes et les Pyrénées pour tout ravager, on vît descendre aujourd’hui des armées pour renverser le tribunal de l’Inquisition, tribunal plus horrible que les sacrifices de sang humain tant reprochés à nos pères !

Enfin, ce génie supérieur veut faire entendre à ses voisins ce que l’on commence à comprendre en Europe, que des opinions métaphysiques inintelligibles, qui sont les filles de l’absurdité, sont les mères de la discorde ; et que l’Église, au lieu de dire : Je viens apporter le glaive et non la paix, doit dire hautement : J’apporte la paix et non le glaive. Aussi l’impératrice ne veut-elle tirer l’épée que contre ceux qui veulent opprimer les dissidents.


SECTION II[2].

conversation du révérend p. bouvet, missionnaire de la compagnie de jésus, avec l’empereur kang-hi, en présence de frère attiret, jésuite, tirée des mémoires secrets de la mission, en 1772.


père bouvet.

Oui, Sacrée Majesté, dès que vous aurez eu le bonheur de vous faire baptiser par moi, comme je l’espère, vous serez sou-

  1. Ceci est tiré d’une lettre du citoyen du mont Krapack, dans laquelle se trouve l’extrait de la lettre de l’impératrice. (Note de Voltaire.)
  2. Cette section a paru pour la première fois en 1774, dans l’édition in-4o des Questions sur l’Encyclopédie. (B.)