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PROPHÉTIES.

« Et voilà que mon serviteur prospérera, sera honoré, et élevé très-haut. »

Ils disent encore que cela ne regarde pas Jésus-Christ, mais David : que ce roi en effet prospéra, mais que Jésus, qu’ils méconnurent, ne prospéra pas.

« Voici que je ferai un nouveau pacte avec la maison d’Israël et avec la maison de Juda. »

Ils disent que ce passage ne signifie, selon la lettre et selon le sens, autre chose sinon : je renouvellerai mon pacte avec Juda et avec Israël. Cependant leur pacte n’a pas été renouvelé ; on ne peut faire un plus mauvais marché que celui qu’ils ont fait. N’importe, ils sont obstinés.

« Et toi, Bethléem d’Éphrata, qui es petite dans les milliers de Juda, il sortira pour loi un dominateur en Israël, et sa sortie est depuis le commencement jusqu’au jour d’à jamais. »

Ils osent nier encore que cette prophétie soit pour Jésus-Christ. Ils disent qu’il est évident que Michée parle de quelque capitaine natif de Bethléem, qui remportera quelque avantage à la guerre contre les Babyloniens : car il parle le moment d’après de l’histoire de Babylone et des sept capitaines qui élurent Darius. Et si on démontre qu’il s’agit du Messie, ils n’en veulent pas convenir.

Ces Juifs se trompent grossièrement sur Juda, qui devait être comme un lion, et qui n’a été que comme un âne sous les Perses, sous Alexandre, sous les Séleucides, sous les Ptolémées, sous les Romains, sous les Arabes, et sous les Turcs.

Ils ne savent ce qu’ils entendent par le Shilo, et par la verge, et par la cuisse de Juda. La verge n’a été dans Juda qu’un temps très-court ; ils disent des pauvretés ; mais l’abbé Houteville n’en dit-il pas beaucoup davantage avec ses phrases, son néologisme et son éloquence de rhéteur, qui met toujours des mots à la place des choses, et qui se propose des objections très-difficiles pour n’y répondre que par du verbiage ?

Tout cela est donc peine perdue ; et quand l’abbé François[1] ferait encore un livre plus gros, quand il le joindrait aux cinq ou six mille volumes que nous avons sur cette matière, nous en serions plus fatigués sans avoir avancé d’un seul pas.

On se trouve donc plongé dans un chaos qu’il est impossible

  1. On a de l’abbé François un Examen des faits qui servent de fondement à la religion chrétienne, 1767, 3 vol. in-12, et quelques ouvrages contre Voltaire : voyez les Avertissements de Beuchot des tomes XI et XVII.