Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome20.djvu/298

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
288
PROPHÉTIES.

de Drabicius, de Comenius, grands prophètes précédents, et de la prophétesse Christine. Les deux champions se bornèrent à écrire ; on espérait qu’ils se donneraient des soufflets, comme Sédékia en appliqua un à Michée, en lui disant : « Devine comment l’esprit divin a passé de ma main sur ta joue. » Mot à mot : « comment l’esprit a-t-il passé de moi à toi[1] ? » Le public n’eut pas cette satisfaction, et c’est bien dommage.

SECTION III[2].

Il n’appartient qu’à l’Église infaillible de fixer le véritable sens des prophéties : car les Juifs ont toujours soutenu avec leur opiniâtreté ordinaire qu’aucune prophétie ne pouvait regarder Jésus-Christ ; et les Pères de l’Église ne pouvaient disputer contre eux avec avantage, puisque, hors saint Éphrem, le grand Origène et saint Jérôme, il n’y eut jamais aucun Père de l’Église qui sût un mot d’hébreu.

Ce ne fut qu’au ixe siècle que Raban le Maure, depuis évêque de Mayence, apprit la langue juive. Son exemple fut suivi de quelques autres, et alors on commença à disputer avec les rabbins sur le sens des prophéties.

Raban fut étonné des blasphèmes qu’ils prononçaient contre notre Sauveur, l’appelant bâtard, impie, fils de Panther, et disant qu’il n’est pas permis de prier Dieu sans le maudire[3] : « Quod nulla oratio posset apud Deum accepta esse nisi in ea Dominum nostrum Jesum Christum maledicant. Confidentes eum esse impium et filium impii, id est, nescio cujus æthnici quem nominant Panthera, a quo dicunt matrem Domini adulteratam. »

Ces horribles profanations se trouvent en plusieurs endroits dans le Talmud, dans les livres du Nizzachon, dans la dispute de Rittangel, dans celles de Jechiel et de Nachmanides, intitulées le Rempart de la Foi, et surtout dans l’abominable ouvrage du Toldos Jeschut.

C’est particulièrement dans le prétendu Rempart de la Foi du rabbin Isaac que l’on interprète toutes les prophéties qui annoncent Jésus-Christ en les appliquant à d’autres personnes.

C’est là qu’on assure que la Trinité n’est figurée dans aucun livre hébreu, et qu’on n’y trouve pas la plus légère trace de notre

  1. La Vulgate porte : Mene ergo dimisit spiritus Domini, et locutus est tibi ? III. Rois, chapitre xxii, v. 24.
  2. Section ii dans les Questions sur l’Encyclopédie, huitième partie, 1771. (B.)
  3. Wagenselius in proœmio, page 53. (Note de Voltaire.)