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PROPHÉTIES.

nisme. En voici le précis : « Il parut à Rome, pendant sept jours, une comète si brillante qu’à peine en pouvait-on supporter la vue ; on apercevait au milieu d’elle un dieu sous la forme humaine ; on la prit pour l’âme de Jules-César qui venait de mourir, et on l’adora dans un temple particulier. »

M. Assemani, dans sa Bibliothèque orientale[1], parle aussi d’un livre de Salomon, métropolitain de Bassora, intitulé l’Abeille, dans lequel il y a un chapitre sur cette prédiction de Zoroastre. Hornius, qui ne doutait pas de son authenticité, a prétendu que Zoroastre était Balaam, et cela vraisemblablement parce qu’Origène, dans son premier livre contre Celse, dit[2] que les mages avaient sans doute les prophéties de Balaam, dont on trouve ces paroles dans les Nombres[3] : Une étoile se lèvera de Jacob, et un homme sortira d’Israël. Mais Balaam n’était pas plus Juif que Zoroastre, puisqu’il dit lui-même qu’il était venu d’Aram, des montagnes d’Orient[4].

D’ailleurs saint Paul parle expressément à Tite[5] d’un prophète Cretois ; et saint Clément d’Alexandrie[6] reconnaît que comme Dieu voulant sauver les Juifs leur donna des prophètes, il suscita de même les plus excellents hommes d’entre les Grecs, ceux qui étaient les plus propres à recevoir ses grâces ; il les sépara des hommes du vulgaire, afin d’être les prophètes des Grecs, et de les instruire dans leur propre langue. Platon, dit-il encore[7], n’a-t-il pas prédit en quelque manière l’économie salutaire, lorsque, dans son second livre de la République, il a imité cette parole de l’Écriture[8] : Défaisons-nous du juste, car il nous incommode ; et s’est exprimé en ces termes : Le juste sera battu de verges ; il sera tourmenté ; on lui crèvera les yeux, et, après avoir souffert toutes sortes de maux, il sera enfin crucifié ?

Saint Clément aurait pu ajouter que si l’on ne creva pas les yeux à Jésus, malgré cette prophétie de Platon, on ne lui brisa pas non plus les os, quoiqu’il soit dit dans un psaume[9] : Pendant qu’on brise mes os, mes ennemis, qui me persécutent, m’accablent par leurs reproches. Au contraire, saint Jean[10] dit positivement que les soldats rompirent les jambes aux deux autres qui étaient crucifiés avec lui, mais qu’ils ne rompirent point celles de Jésus,

  1. Tome III, Ire partie, page 316. (Note de Voltaire.)
  2. Chapitre xii. (Id.)
  3. Chapitre xxiv, v. 17. (Id.)
  4. Nombres, chapitre xxiii, v. 7. (Id.)
  5. Chapitre i, v. 12. (Id.)
  6. Stromates, livre VI, page 638. (Note de Voltaire.)
  7. Ibid., livre V, page 601. (Id.)
  8. La Sagesse, chapitre ii, v. 12. (Id.)
  9. Psaume 42, v. 11. (Id.)
  10. Chapitre xix, v. 32 et 36. (Id.)