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PROPHÉTIES.

nètes en planètes dans un beau carrosse de lumière, traîné par quatre chevaux blancs, il y en a cent qui vont à pied, et qui sont obligés d’aller demander leur dîner de porte en porte. Ils ressemblent assez à Homère, qui fut obligé, dit-on, de mendier dans les sept villes qui se disputèrent depuis l’honneur de l’avoir vu naître. Ses commentateurs lui ont attribué une infinité d’allégories auxquelles il n’avait jamais pensé. On a fait souvent le même honneur aux prophètes. Je ne disconviens pas qu’il n’y eût ailleurs des gens instruits de l’avenir. Il n’y a qu’à donner à son âme un certain degré d’exaltation, comme l’a très-bien imaginé un brave philosophe ou fou de nos jours, qui voulait percer un trou jusqu’aux antipodes, et enduire les malades de poix résine[1].

Les Juifs exaltèrent si bien leur âme qu’ils virent très-clairement toutes les choses futures : mais il est difficile de deviner au juste si par Jérusalem les prophètes entendent toujours la vie éternelle ; si Babylone signifie Londres ou Paris ; si quand ils parlent d’un grand dîner on doit l’expliquer par un jeûne ; si du vin rouge signifie du sang ; si un manteau rouge signifie la foi, et un manteau blanc la charité. L’intelligence des prophètes est l’effort de l’esprit humain[2].

Il y a encore une grande difficulté à l’égard des prophètes juifs : c’est que plusieurs d’entre eux étaient hérétiques samaritains. Osée était de la tribu d’Issachar, territoire samaritain ; Élie et Élisée eux-mêmes en étaient ; mais il est aisé de répondre à cette objection. On sait assez que l’esprit souffle où il veut, et que la grâce tombe sur le sol le plus aride comme sur le plus fertile.



PROPHÉTIES.


SECTION PREMIÈRE.


Ce mot, dans son acception ordinaire, signifie prédiction de l’avenir. C’est en ce sens que Jésus[3] disait à ses disciples : Il est nécessaire que tout ce qui a été écrit de moi dans la loi de Moïse, dans les Prophètes et dans les Psaumes, soit accompli. Alors

  1. Voyez la Diatribe du docteur Akakia (dans les Mélanges, année 1752).
  2. En 1767, cet alinéa se terminait par ces mots : « C’est pourquoi je n’en dirai pas davantage. » Et c’était aussi la fin de l’article.

    Le dernier alinéa fut ajouté lorsque, en 1771, Voltaire reproduisit ce morceau dans la huitième partie de ses Questions sur l’Encyclopédie. (B.)

  3. Luc, chapitre xxiv, v. 44 et 45. (Note de Voltaire).