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PRÉTENTIONS.

ont leur prépuce ; mais les Israélites sont incirconcis de cœur. »

On a cru que le prophète Jérémie se contredisait, puisqu’il est clair que la plupart des peuples dont il parle étaient circoncis ; aussi les opinions sont-elles fort partagées sur le sens de ce passage.

Dans les premiers temps du christianisme, c’était une question très délicate s’il fallait abolir ou conserver la circoncision. Jésus-Christ avait été circoncis. Les frères reprochèrent à saint Pierre d’avoir communiqué avec ceux qui possédaient leur prépuce : Quare introisti ad viros præputium habentes ? (Act. Apost., cap. ii.) Saint Paul dit : la circoncision est utile si tu as accompli la loi ; mais si tu prévariques la circoncision devient prépuce. (Épist. ad Rom., cap. i.) Et ces paroles sont encore un sujet de dispute. Saint Paul et ses compagnons à l’apostolat avaient des disciples circoncis, et d’autres qui ne l’étaient pas. Les chrétiens ont, depuis longtemps, la circoncision en horreur ; cependant les catholiques se vantent de posséder le prépuce de notre Sauveur : il est à Rome, dans l’église de Saint-Jean de Latran, la première qu’on ait bâtie dans cette capitale ; il est aussi à Saint-Jacques de Compostelle, en Espagne ; dans Anvers ; dans l’abbaye de Saint-Corneille, à Compiègne ; à Notre-Dame de la Colombe, dans le diocèse de Chartres ; dans la cathédrale du Puy-en-Velai ; et dans plusieurs autres lieux. Il y a peut-être un peu de superstition dans cette piété mal entendue.



PRESBYTÉRIENS[1].



PRÉTENTIONS[2].


Il n’y a pas dans notre Europe un seul prince qui ne s’intitule souverain d’un pays possédé par son voisin. Cette manie politique est inconnue dans le reste du monde : jamais le roi de Boutan ne s’est dit empereur de la Chine ; jamais le conteish tartare ne prit le titre de roi d’Égypte.

Les plus belles prétentions ont toujours été celles des papes : deux clefs en sautoir les mettaient visiblement en possession du royaume des cieux ; ils liaient et ils déliaient tout sur la terre.

  1. Les éditeurs de Kehl avaient formé cet article de la sixième des Lettres philosophiques ; voyez les Mélanges, année 1734. (B.)
  2. Questions sur l’Encyclopédie, huitième partie, 1771. (B.)