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PLATON.

à l’orientale : comme, par exemple, qu’il y a quatre sortes d’animaux, les dieux célestes, les oiseaux de l’air, les poissons, et les animaux terrestres dont nous avons l’honneur d’être.

Je me hâte de venir à une seconde trinité : « L’être engendré, l’être qui engendre, et l’être qui ressemble à l’engendré et à l’engendreur. » Cette trinité est assez formelle, et les Pères ont pu y trouver leur compte.

Cette trinité est suivie d’une théorie un peu singulière des quatre éléments, La terre est fondée sur un triangle équilatère, l’eau sur un triangle rectangle, l’air sur un scalène, et le feu sur un isocèle. Après quoi il prouve démonstrativement qu’il ne peut y avoir que cinq mondes, parce qu’il n’y a que cinq corps solides réguliers, et que cependant il n’y a qu’un monde qui est rond.

J’avoue qu’il n’y a point de philosophe aux petites-maisons qui ait jamais si puissamment raisonné. Vous vous attendez, ami lecteur, à m’entendre parler de cette autre fameuse trinité de Platon, que ses commentateurs ont tant vantée : c’est l’Être éternel, formateur éternel du monde ; son verbe, ou son intelligence, ou son idée ; et le bon qui en résulte. Je vous assure que je l’ai bien cherchée dans ce Timée, je ne l’y ai jamais trouvée : elle peut y être totidem litteris, mais elle n’y est pas totidem verbis, ou je suis fort trompé.

Après avoir lu tout Platon, à mon grand regret, j’ai aperçu quelque ombre de la trinité dont on lui fait honneur. C’est dans le livre sixième de sa République chimérique, lorsqu’il dit : « Parlons du fils, production merveilleuse du bon, et sa parfaite image. » Mais malheureusement il se trouve que cette parfaite image de Dieu, c’est le soleil. On en conclut que c’était le soleil intelligible, lequel, avec le verbe et le père, composait la trinité platonique.

Il y a dans l’Épinomis de Platon[1] des galimatias fort curieux ; en voici un que je traduis aussi raisonnablement que je le puis, pour la commodité du lecteur :

« Sachez qu’il y a huit vertus dans le ciel ; je les ai observées, ce qui est facile à tout le monde. Le soleil est une de ces vertus, la lune une autre, la troisième est l’assemblage des étoiles ; et les cinq planètes font avec ces trois vertus le nombre de huit. Gardez-vous de penser que ces vertus, ou ceux qui sont dans elles et qui les animent, soit qu’ils marchent d’eux-mêmes, soit qu’ils

  1. Diogène de Laerte, III, 37, dit qu’on regardait Philippe d’Oponte comme l’auteur de l’Épinomis, qui est cependant compris dans les œuvres de Platon. (B.)