Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome20.djvu/234

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
224
PLATON.

d’imputer le plagiat à l’auteur de l’Histoire de Charles XII, qui avait pourtant écrit vingt ans avant le P. Barre.

C’est surtout en poésie qu’on se permet souvent le plagiat, et c’est assurément de tous les larcins le moins dangereux pour la société.



PLATON[1].


SECTION PREMIÈRE.


DU « TIMÉE » DE PLATON, ET DE QUELQUES AUTRES CHOSES.


Les Pères de l’Église des quatre premiers siècles furent tous grecs et platoniciens ; vous ne trouvez pas un Romain qui ait écrit pour le christianisme, et qui ait eu la plus légère teinture de philosophie. J’observerai ici en passant qu’il est assez étrange que cette Église de Rome, qui ne contribua en rien à ce grand établissement, en ait seule recueilli tout l’avantage. Il en a été de cette révolution comme de toutes celles qui sont nées des guerres civiles : les premiers qui troublent un État travaillent toujours sans le savoir pour d’autres que pour eux.

L’école d’Alexandrie, fondée par un nommé Marc, auquel succédèrent Athénagoras, Clément, Origène, fut le centre de la philosophie chrétienne. Platon était regardé par tous les Grecs d’Alexandrie comme le maître de la sagesse, comme l’interprète de la Divinité. Si les premiers chrétiens n’avaient pas embrassé les dogmes de Platon, ils n’auraient jamais eu aucun philosophe, aucun homme d’esprit dans leur parti. Je mets à part l’inspiration et la grâce qui sont au-dessus de toute philosophie, et je ne parle que du train ordinaire des choses humaines.

Ce fut, dit-on, dans le Timée de Platon principalement que les Pères grecs s’instruisirent. Ce Timée passe pour l’ouvrage le plus sublime de toute la philosophie ancienne. C’est presque le seul que Dacier n’ait point traduit, et je pense que la raison en est qu’il ne l’entendait point, et qu’il craignit de montrer à des lecteurs clairvoyants le visage de cette divinité grecque qu’on n’adore que parce qu’elle est voilée.

Platon, dans ce beau dialogue, commence par introduire un prêtre égyptien qui apprend à Solon l’ancienne histoire de la

  1. Les deux morceaux qui forment les deux sections de cet article ont paru dans les Nouveaux Mélanges, troisième partie. 1765. (B.)