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PHILOSOPHIE.

se conçoit pas : créer de rien, c’est changer le néant en quelque chose. Je ne dois point admettre une telle production, à moins que je ne trouve des raisons invincibles qui me forcent d’admettre ce que mon esprit ne peut jamais comprendre.


Tout ce qui existe paraît exister nécessairement, puisqu’il existe. Car s’il y a aujourd’hui une raison de l’existence des choses, il y en a eu une hier, il y en a eu une dans tous les temps ; et cette cause doit toujours avoir eu son effet, sans quoi elle aurait été pendant l’éternité une cause inutile.


Mais comment les choses auront-elles toujours existé, étant visiblement sous la main du premier moteur ? Il faut donc que cette puissance ait toujours agi ; de même, à peu près, qu’il n’y a point de soleil sans lumière, de même qu’il n’y a point de mouvement sans un être qui passe d’un point de l’espace dans un autre point.


Il y a donc un être puissant et intelligent qui a toujours agi ; et si cet être n’avait point agi, à quoi lui aurait servi son existence ?


Toutes les choses sont donc des émanations éternelles de ce premier moteur.


Mais comment imaginer que de la pierre et de la fange soient des émanations de l’Être éternel, intelligent et puissant ?


Il faut de deux choses l’une, ou que la matière de cette pierre et cette fange existent nécessairement par elles-mêmes, ou qu’elles existent nécessairement par ce premier moteur : il n’y a pas de milieu.


Ainsi donc il n’y a que deux partis à prendre, ou d’admettre la matière éternelle par elle-même, ou la matière sortant éternellement de l’Être puissant, intelligent, éternel.


Mais, ou subsistante par sa propre nature, ou émanée de l’Être producteur, elle existe de toute éternité, puisqu’elle existe, et qu’il n’y a aucune raison pour laquelle elle n’aurait pas existé auparavant.


Si la matière est éternellement nécessaire, il est donc impossible, il est donc contradictoire qu’elle ne soit pas ; mais quel