Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome20.djvu/217

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
207
PHILOSOPHIE.

qui vous présentez un aliment pour lequel ils n’ont pas de goût vous mordent.

Vous direz que je répète ; mais il faut remettre cent fois devant les yeux du genre humain que la sacrée congrégation condamna Galilée, et que les cuistres qui déclarèrent excommuniés tous les bons citoyens qui se soumettraient au grand Henri IV furent les mêmes qui condamnèrent les seules vérités qu’on pouvait trouver dans les ouvrages de Descartes.

Tous les barbets de la fange théologique, aboyant les uns contre les autres, aboyèrent tous contre de Thou, contre La Mothe-le-Vayer, contre Bayle. Que de sottises ont été écrites par de petits écoliers welches contre le sage Locke !

Ces Welches disent que César, Cicéron, Sénèque, Pline, Marc-Aurèle, pouvaient être philosophes, mais que cela n’est pas permis chez les Welches. On leur répond que cela est très-permis et très-utile chez les Français ; que rien n’a fait plus de bien aux Anglais, et qu’il est temps d’exterminer la barbarie.

Vous me répliquez qu’on n’en viendra pas à bout. Non, chez le peuple et chez les imbéciles ; mais chez tous les honnêtes gens votre affaire est faite.

SECTION II[1].

Un des grands malheurs, comme un des grands ridicules du genre humain, c’est que dans tous les pays qu’on appelle policés, excepté peut-être à la Chine, les prêtres se chargèrent de ce qui n’appartenait qu’aux philosophes. Ces prêtres se mêlèrent de régler l’année : c’était, disaient-ils, leurs droits, car il était nécessaire que les peuples connussent leurs jours de fêtes. Ainsi les prêtres chaldéens, égyptiens, grecs, romains, se crurent mathématiciens et astronomes : mais quelle mathématique et quelle astronomie ! Ils étaient trop occupés de leurs sacrifices, de leurs oracles, de leurs divinations, de leurs augures, pour étudier sérieusement. Quiconque s’est fait un métier de la charlatanerie ne peut avoir l’esprit juste et éclairé. Ils furent astrologues, et jamais astronomes[2].

Les prêtres grecs eux-mêmes ne firent d’abord l’année que de trois cent soixante jours. Il fallut que les géomètres leur apprissent qu’ils s’étaient trompés de cinq jours et plus. Ils réformèrent donc leur année. D’autres géomètres leur montrèrent encore qu’ils s’étaient trompés de six heures. Iphitus les obligea de

  1. Addition faite en 1774, dans l’édition in-4o. (B.)
  2. Voyez Astrologie. (Note de Voltaire.)