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PAUL.

Peut-on excuser Paul d’avoir repris Pierre, qui judaïsait, quand lui-même alla judaïser huit jours dans le temple de Jérusalem ?

Lorsque Paul fut traduit devant le gouverneur de Judée par les Juifs, pour avoir introduit des étrangers dans le temple, fit-il bien de dire à ce gouverneur que c’était « pour la résurrection des morts qu’on lui faisait son procès », tandis qu’il ne s’agissait point de la résurrection des morts[1] ?

Paul fit-il bien de circoncire son disciple Timothée, après avoir écrit aux Galates : « Si vous vous faites circoncire, Jésus ne vous servira de rien » ?

Fit-il bien d’écrire aux Corinthiens, chapitre ix : « N’avons-nous pas le droit de vivre à vos dépens et de mener avec nous une femme ? etc. » Fit-il bien d’écrire aux Corinthiens dans sa seconde Épitre : « Je ne pardonnerai à aucun de ceux qui ont péché, ni aux autres » ? Que penserail-on aujourd’hui d’un homme qui prétendrait vivre à nos dépens, lui et sa femme, nous juger, nous punir, et confondre le coupable et l’innocent ?

Qu’entend-on par le ravissement de Paul au troisième ciel ? Qu’est-ce qu’un troisième ciel ?

Quel est enfin le plus vraisemblable (humainement parlant), ou que Paul se soit fait chrétien pour avoir été renversé de son cheval par une grande lumière en plein midi, et qu’une voix céleste lui ait crié : « Saül, Saül, pourquoi me persécutes-tu ? » ou bien que Paul ait été irrité contre les pharisiens, soit pour le refus de Gamaliel de lui donner sa fille, soit par quelque autre cause ?

Dans toute autre histoire le refus de Gamaliel ne semblerait-il pas plus naturel qu’une voix céleste, si d’ailleurs nous n’étions pas obligés de croire ce miracle ?

Je ne fais aucune de ces questions que pour m’instruire, et j’exige de quiconque voudra m’instruire qu’il parle raisonnablement.

SECTION II[2].

Les Épîtres de saint Paul sont si sublimes qu’il est souvent difficile d’y atteindre.

Plusieurs jeunes bacheliers demandent ce que signifient pré-

  1. Actes, chapitre xxiv. (Note de Voltaire.)
  2. Cette seconde section formait tout l’article dans la huitième partie des Questions sur l’Encyclopédie, 1771, et y était signée : Par le pasteur Lélie ; signature qui a été conservée dans les éditions in-4o et de 1775. (B.)