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PAPISME.

cubiques ; et leurs imaginations ne sont pas plus vraies que mes métamorphoses. J’aime mieux Daphné changée en laurier, et Narcisse en fleur, que de la matière subtile changée en soleils, et de la matière rameuse devenue terre et eau. Je vous ai donné des fables pour des fables ; et vos philosophes donnent des fables pour des vérités.



P.



PAPISME[1].


LE PAPISTE ET LE TRÉSORIER.


le papiste.

Monseigneur a dans sa principauté des luthériens, des calvinistes, des quakers, des anabaptistes, et même des juifs ; et vous voudriez encore qu’il admît des unitaires !

le trésorier.

Si ces unitaires nous apportent de l’industrie et de l’argent, quel mal nous feront-ils ? Vous n’en serez que mieux payé de vos gages.

le papiste.

J’avoue que la soustraction de mes gages me serait plus douloureuse que l’admission de ces messieurs ; mais enfin ils ne croient pas que Jésus-Christ soit fils de Dieu.

le trésorier.

Que vous importe, pourvu qu’il vous soit permis de le croire, et que vous soyez bien nourri, bien vêtu, bien logé ? Les juifs sont bien loin de croire qu’il soit fils de Dieu, et cependant vous êtes fort aise de trouver ici des juifs sur qui vous placez votre argent à six pour cent. Saint Paul lui-même n’a jamais parlé de la divinité de Jésus-Christ ; il l’appelle franchement un homme : la mort, dit-il, est entrée dans le monde par le péché d’un seul homme..... le don de Dieu s’est répandu par la grâce d’un seul homme, qui est Jésus[2]. Et ailleurs : Vous êtes à Jésus, et Jésus est à Dieu.... Tous vos premiers Pères de l’Église ont pensé comme saint Paul : il est évident que pendant trois cents ans Jésus s’est contenté de son humanité ; figurez-vous que vous êtes un chrétien des trois premiers siècles.

  1. Dictionnaire philosophique. 1766. (B.)
  2. Epist. ad Rom., chapitre v, v. 12-15, et jusqu’à la fin.