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ORIGINEL (PÉCHÉ).



SECTION II[1].


Il le faut avouer, nous ne connaissons point de Père de l’Église, jusqu’à saint Augustin et à saint Jérôme, qui ait enseigné la doctrine du péché originel. Saint Clément d’Alexandrie, cet homme si savant dans l’antiquité, loin de parler en un seul endroit de cette corruption qui a infecté le genre humain, et qui l’a rendu coupable en naissant, dit en propres mots[2] : « Quel mal peut faire un enfant qui ne vient que de naître ? Comment a-t-il pu prévariquer ? Comment celui qui n’a encore rien fait a-t-il pu tomber sous la malédiction d’Adam ? »

Et remarquez qu’il ne dit point ces paroles pour combattre l’opinion rigoureuse du péché originel, laquelle n’était point encore développée, mais seulement pour montrer que les passions, qui peuvent corrompre tous les hommes, n’ont pu avoir encore aucune prise sur cet enfant innocent. Il ne dit point : Cette créature d’un jour ne sera pas damnée si elle meurt aujourd’hui ; car personne n’avait encore supposé qu’elle serait damnée. Saint Clément ne pouvait combattre un système absolument inconnu.

Le grand Origène est encore plus positif que saint Clément d’Alexandrie. Il avoue bien que le péché est entré dans le monde par Adam, dans son explication de l’Épître de saint Paul aux Romains ; mais il tient que c’est la pente au péché qui est entrée, qu’il est très-facile de commettre le mal, mais qu’il n’est pas dit pour cela qu’on le commettra toujours, et qu’on sera coupable dès qu’on sera né.

Enfin le péché originel, sous Origène, ne consistait que dans le malheur de se rendre semblable au premier homme en péchant comme lui.

Le baptême était nécessaire : c’était le sceau du christianisme ; il lavait tous les péchés, mais personne n’avait dit encore qu’il lavât les péchés qu’on n’avait point commis ; personne n’assurait encore qu’un enfant fut damné et brillât dans des flammes éternelles pour être mort deux minutes après sa naissance. Et une preuve sans réplique, c’est qu’il se passa beaucoup de temps avant que la coutume de baptiser les enfants prévalût. Tertullien

  1. Dans les Questions sur l’Enryclopédie, huitième partie, 1771, l’article entier se composait de ce qui forme cette seconde section. (B.)
  2. Stromates, livre III. (Note de Voltaire.)