Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome20.djvu/158

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
148
ORAISON.

« Marchez dans la voie de la justice, adorez le seul maître de l’univers : il est un, il est seul par lui-même ; tous les êtres lui doivent leur existence ; il agit dans eux et par eux ; il voit tout, et jamais il n’a été vu des yeux mortels. »

Ce qui est fort extraordinaire, c’est que dans le Lévitique, dans le Deutéronome des Juifs, il n’y a pas une seule prière publique, pas une seule formule. Il semble que les lévites ne fussent occupés qu’à partager les viandes qu’on leur offrait. On ne voit pas même une seule prière instituée pour leurs grandes fêtes de la pâque, de la pentecôte, des trompettes, des tabernacles, de l’expiation générale, et des néoménies.

Les savants conviennent assez unanimement qu’il n’y eut de prières réglées chez les Juifs, que lorsque étant esclaves à Babylone ils en prirent un peu les mœurs, et qu’ils apprirent quelques sciences de ce peuple si policé et si puissant. Ils empruntèrent tout des Chaldéens-Persans, jusqu’à leur langue, leurs caractères, leurs chiffres ; et, joignant quelques coutumes nouvelles à leurs anciens rites égyptiaques, ils devinrent un peuple nouveau, qui fut d’autant plus superstitieux qu’au sortir d’un long esclavage ils furent toujours encore dans la dépendance de leurs voisins.

. . . . . . . . . . . . . . . . . In rebus acerbis
Acrius advertunt animos ad relligionem.

(Lucrèce, III, 53-54.)

Pour les dix autres tribus qui avaient été dispersées auparavant, il est à croire qu’elles n’avaient pas plus de prières publiques que les deux autres, et qu’elles n’avaient pas même encore une religion bien fixe et bien déterminée, puisqu’elles l’abandonnèrent si facilement et qu’elles oublièrent jusqu’à leur nom ; ce que ne fit pas le petit nombre de pauvres infortunés qui vinrent rebâtir Jérusalem.

C’est donc alors que ces deux tribus, ou plutôt ces deux tribus et demie, semblèrent s’attacher à des rites invariables qu’ils écrivirent, qu’ils eurent des prières réglées. C’est alors seulement que nous commençons à voir chez eux des formules de prières. Esdras ordonna deux prières par jour, et il en ajouta une troisième pour le jour du sabbat : on dit même qu’il institua dix-huit prières (afin qu’on pût choisir), dont la première commence ainsi :

« Sois béni, Seigneur Dieu de nos pères, Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, le grand Dieu, le puissant, le terrible, le haut élevé, le distributeur libéral des biens, le plasmateur et le possesseur du monde, qui te souviens des bonnes actions, et qui envoies un libérateur à leurs descendants pour l’amour de ton