Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome20.djvu/125

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
115
NATURE.

gner l’a b c à celui qui suivait l’ancien et véritable calcul. Mairan avait raison ; il tenait pour l’ancienne mesure de la masse multipliée par la vitesse. On revint enfin à lui ; le scandale mathématique disparut, et on renvoya dans les espaces imaginaires le charlatanisme du carré de la vitesse, avec les monades, qui sont le miroir concentrique de l’univers, et avec l’harmonie préétablie[1]. »


N.


NATURE[2]


DIALOGUE ENTRE LE PHILOSOPHE ET LA NATURE.


le philosophe.

Qui es-tu, nature ? je vis dans toi ; il y a cinquante ans que je te cherche, et je n’ai pu te trouver encore.

la nature.

Les anciens Égyptiens, qui vivaient, dit-on, des douze cents ans, me firent le même reproche. Ils m’appelaient Isis ; ils me mirent un grand voile sur la tête, et ils dirent que personne ne pouvait le lever.

le philosophe.

C’est ce qui fait que je m’adresse à toi. J’ai bien pu mesurer quelques-uns de tes globes, connaître leurs routes, assigner les lois du mouvement ; mais je n’ai pu savoir qui tu es.

Es-tu toujours agissante ? Es-tu toujours passive ? Tes éléments se sont-ils arrangés d’eux-mêmes, comme l’eau se place sur le sable, l’huile sur l’eau, l’air sur l’huile ? As-tu un esprit qui dirige toutes tes opérations, comme les conciles sont inspirés dès qu’ils sont assemblés, quoique leurs membres soient quelquefois des ignorants ? De grâce, dis-moi le mot de ton énigme.

la nature.

Je suis le grand tout. Je n’en sais pas davantage. Je ne suis pas mathématicienne ; et tout est arrangé chez moi selon les lois mathématiques. Devine si tu peux comment tout cela s’est fait.

  1. Comparez, dans Diderot, les Principes philosophiques sur la matière et le mouvement.
  2. Questions sur l’Encyclopédie, huitième partie, 1771. (B.)