Il y va de ma gloire ; et le ciel qui m’écoute
Ne me verra partir que vengé de l’affront
Dont vos soupçons honteux ont fait rougir mon front.
Scène V.
Je l’avouerai, j’ai peine à le croire coupable.
D’un cœur tel que le sien l’audace inébranlable
Ne sait point s’abaisser à des déguisements :
Le mensonge n’a point de si hauts sentiments.
Je ne puis voir en lui cette bassesse infâme.
Je te dirai bien plus ; je rougissais dans l’âme
De me voir obligé d’accuser ce grand cœur :
Je me plaignais à moi de mon trop de rigueur.
Nécessité cruelle attachée à l’empire !
Dans le cœur des humains les rois ne peuvent lire ;
Souvent sur l’innocence ils font tomber leurs coups,
Et nous sommes, Araspe, injustes malgré nous.
Mais que Phorbas est lent pour mon impatience !
C’est sur lui seul enfin que j’ai quelque espérance ;
Car les dieux irrités ne nous répondent plus :
Ils ont par leur silence expliqué leur refus.
Tandis que par vos soins vous pouvez tout apprendre,
Quel besoin que le ciel ici se fasse entendre ?
Ces dieux dont le pontife a promis le secours,
Dans leurs temples, seigneur, n’habitent pas toujours.
On ne voit point leur bras si prodigue en miracles :
Ces antres, ces trépieds, qui rendent leurs oracles,
Ces organes d’airain que nos mains ont formés,
Toujours d’un souffle pur ne sont pas animés.
Ne nous endormons point sur la foi de leurs prêtres ;
Au pied du sanctuaire il est souvent des traîtres,
Qui, nous asservissant sous un pouvoir sacré,
Font parler les destins, les font taire à leur gré.