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ŒDIPE.
Philoctète.

Depuis la mort du roi…Qu’entends-je ? Quoi ! Laïus…

Dimas.

Seigneur, depuis quatre ans ce héros ne vit plus.

Philoctète.

Il ne vit plus ! Quel mot a frappé mon oreille !
Quel espoir séduisant dans mon cœur se réveille !
Quoi ! Jocaste… les dieux me seraient-ils plus doux ?
Quoi ! Philoctète enfin pourrait-il être à vous ?
Il ne vit plus !… quel sort a terminé sa vie ?

Dimas.

Quatre ans sont écoulés depuis qu’en Béotie
Pour la dernière fois le sort guida vos pas.
À peine vous quittiez le sein de vos états,
À peine vous preniez le chemin de l’Asie,
Lorsque, d’un coup perfide, une main ennemie
Ravit à ses sujets ce prince infortuné.

Philoctète.

Quoi ! Dimas, votre maître est mort assassiné ?

Dimas.

Ce fut de nos malheurs la première origine :
Ce crime a de l’empire entraîné la ruine.
Du bruit de son trépas mortellement frappés,
À répandre des pleurs nous étions occupés,
Quand, du courroux des dieux ministre épouvantable,
Funeste à l’innocent sans punir le coupable,
Un monstre (loin de nous que faisiez-vous alors ?),
Un monstre furieux vint ravager ces bords.
Le ciel, industrieux dans sa triste vengeance,
Avait à le former épuisé sa puissance.

Né parmi des rochers, au pied du Cithéron[1],

Ce monstre à voix humaine, aigle, femme, et lion,
De la nature entière exécrable assemblage,
Unissait contre nous l’artifice à la rage.
Il n’était qu’un moyen d’en préserver ces lieux.
D’un sens embarrassé dans des mots captieux,
Le monstre, chaque jour, dans Thèbes épouvantée,
Proposait une énigme avec art concertée,

  1. Il y a dans l’Œdipe de Corneille :

    Ce monstre à voix humaine, aigle, femme, lion,
    Se campait fièrement sur le mont Cithéron. (K.)