Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome2.djvu/563

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
543
ÉPÎTRE DÉDICATOIRE.


Auprès des lis venaient se rendre,
Et quelque forte pension
Vous aurait pris le grand Newton,
Si Newton avait pu se prendre.
Ce sont là les heureux succès
Qui faisaient la gloire immortelle
De Louis et du nom français.
Ce Louis était le modèle
De l’Europe et de vos Anglais.
On craignait que, par ses progrès.
Il n’envahît à tout jamais
La monarchie universelle :
Mais il l’obtint par ses bienfaits.

Vous n’avez pas chez vous des fondations pareilles aux monuments de la munificence de nos rois, mais votre nation y supplée. Vous n’avez pas besoin des regards du maître pour honorer et récompenser les grands talents en tout genre. Le chevalier Steele et le chevalier Wanbruck étaient en même temps auteurs comiques et membres du parlement. La primatie du docteur Tillotson, l’ambassade de M. Prior, la charge de M. Newton, le ministère de M. Addison, ne sont que les suites ordinaires de la considération qu’ont chez vous les grands hommes. Vous les comblez de biens pendant leur vie, vous leur élevez des mausolées et des statues après leur mort ; il n’y a point jusqu’aux actrices célèbres qui n’aient chez vous leur place dans les temples à côté des grands poëtes.

Votre Oldfield[1] et sa devancière
Bracegardle la minaudière,
Pour avoir su dans leurs beaux jours
Réussir au grand art de plaire,
Ayant achevé leur carrière,
S’en furent avec le concours
De votre république entière,
Sous un grand poêle de velours,
Dans votre église pour toujours
Loger de superbe manière.
Leur ombre en parait encor fière.
Et s’en vante avec les Amours :

Tandis que le divin Molière[2],

  1. Fameuse actrice mariée à un seigneur d’Angleterre (1748).
  2. Variante :Tandis que le sage Molière,

    Bien plus digne d’un tel honneur,
    Obtient à peine la faveur
    D’un misérable cimetière,