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ACTE II, SCENE \. 471

TU K AN DUE,

Écoutez. J’ai sauvé, j’ai chéri votre enfance ; Je vous tins lieu de père, orgueilleux Alcméon ; J’en eus l’autorité, la tendresse et le nom, ^ ous passez pour mon fils ; la fortune sévère, Inégale en ses dons, pour vous marâtre et mère. De vos jours conservés voulut mêler le fil De l’éclat le plus grand et du sort le plus vil. Sous le nom de soldat et du fils de Tliéandre, Aux honneurs d’un sujet vous avez pu prétendre. Vouloir monter plus haut, c’est tomher sans retour. On saura le secret que je cachais au jour ; Les yeux de cent rivaux éclairés par leurs haines Verront sous vos lauriers les marques de vos chaînes. Reconnu, méprisé, vous serez aujourd’hui La fable des États dont vous étiez l’appui.

ALCMÉON.

Ah ! c’est ce qui m’accable et (pii me désespère.

Il faut rougir de moi, trembler au nom d’un père ;

Me cacher par faiblesse aux moindres citoyens.

Et reprocher ma vie à ceux dont je la tiens.

Préjugé malheureux ! éclatante chimère

Que l’orgueil inventa, que le faible révère.

Par qui je vois languir le mérite abattu

Aux pieds d’un prince indigne, ou d’un grand sans vertu.

  • Les mortels sont égaux : ce n’est point la naissance,
  • C’est la seule vertu qui fait leur différence.

C’est elle qui met l’homme au rang des demi-dieux ;

  • Et qui sert son pays n’a pas besoin d’aïeux’.

Princes, rois, la fortune a fait votre partage :

Mes grandeurs sont à moi ; mon sort est mon ouvrage : Et ces fers si honteux, ces fers où je naquis. Je les ai fait porter aux mains des ennemis.

  • Je n’ai plus rien du sang qui m’a donné la vie ;
  • I1 a dans les combats coulé pour la patrie :
  • Je vois ce que je suis et non ce que je fus,
  • Et crois valoir au moins des rois que j’ai vaincus.

THÉANDRE.

Alcméon, croyez-moi, l’orgueil qui vous inspire. Que je dois condamner, et que pourtant j’admire,

1. Voltaire a transporte dans Mérope, et ailleurs, ces beaux vers.