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L’ÉTRIER.

Cela prouve votre générosité.

LE COMTE.

Je vois que les vertus sont assez mal récompensées en ce monde : personne ne veut me prêter. Comme je suis un grand seigneur, on me craint ; si j’étais un bourgeois, j’aurais cent bourses à mon service.

L’ÉTRIER.

Au lieu de cent prêteurs vous avez cent créanciers. J’ai l’honneur d’être votre écuyer, et vous n’avez point de chevaux. Vous avez un page qui n’a point de chemises, des laquais sans gages, des terres en décret : ma foi, j’oserais vous conseiller d’accepter quelque bonne somme du beau-père, et de lui faire un petit comte des Apprêts.

LE COMTE.

Je ne veux rien faire d’indigne d’un grand seigneur. Ne voudrais-tu pas que je soupasse, comme un homme désœuvré, avec ma femme ? que j’allasse bourgeoisement au lit avec elle, tristement affublé d’un bonnet de nuit, et asservi comme un homme vulgaire aux lois insipides d’un devoir languissant ? que je m’humiliasse jusqu’à paraître en public à côté de ma femme ? ridicule pendant le jour, dégoûté pendant la nuit : et, pour comble d’impertinence, père de famille ? Dans trente ans, mon ami, dans trente ans, nous verrons ce que nous pourrons faire pour la fille du président.

L’ÉTRIER.

Mais ne la trouvez-vous pas jolie ?

LE COMTE.

Comment ! elle est charmante.

L’ÉTRIER.

Eh bien donc !

LE COMTE.

Ah : si elle était la femme d’un autre, j’en serais amoureux comme un fou ; je donnerais tout ce que je dois (et c’est beaucoup) pour la posséder, pour en être aimé : mais elle est ma femme : il n’y a pas moyen de la souffrir : j’ai trop l’honneur en recommandation ; il faut un peu soutenir son caractère dans le monde.

L’ÉTRIER.

Elle est vertueuse, elle vous aime.

LE COMTE.

Parlons de ce que j’aime : aurez-vous de l’argent ?