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LETTRES SUR ŒDIPE.
CRÉON.

Il faut que vous fassiez voir auparavant si je suis coupable.

ŒDIPE.

Tu parles en homme résolu de ne pas obéir.

CRÉON.

C’est parce que vous êtes injuste.

ŒDIPE.

Je prends mes sûretés.

CRÉON.

Je dois prendre aussi les miennes.

ŒDIPE.

Ô Thèbes ! Thèbes !

CRÉON.

Il m’est permis de crier aussi : Thèbes ! Thèbes ! »

Jocaste vient pendant ce beau discours, et le chœur la prie d’emmener le roi ; proposition très-sage, car, après toutes les folies qu’Œdipe vient de faire, on ne ferait pas mal de l’enfermer.

JOCASTE.

« J’emmènerai mon mari quand j’aurai appris la cause de ce désordre.

LE CHŒUR.

Œdipe et Créon ont eu ensemble des paroles sur des rapports fort incertains. On se pique souvent sur des soupçons très-injustes.

JOCASTE.

Cela est-il venu de l’un et de l’autre ?

LE CHŒUR.

Oui, madame.

JOCASTE.

Quelles paroles ont-ils donc eues ?

LE CHŒUR.

C’est assez, madame ; les princes n’ont pas poussé la chose plus loin, et cela suffit. »

Effectivement, comme si cela suffisait, Jocaste n’en demande pas davantage au chœur.

C’est dans cette scène qu’Œdipe raconte à Jocaste qu’un jour, à table, un homme ivre lui reprocha qu’il était un fils supposé : « J’allai, continue-t-il, trouver le roi et la reine : je les interrogeai sur ma naissance : ils furent tous deux très-fâchés du reproche qu’on m’avait fait. Quoique je les aimasse avec beaucoup de tendresse, cette injure, qui était devenue publique, ne laissa pas de me demeurer sur le cœur, et de me donner des soupçons. Je partis donc, à leur insu, pour aller à Delphes : Apollon ne daigna