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de la maison, au lieu de faire ici le pied de grue et de sauter les murs d’un jardin.

LE CHEVALIER.

Hélas ! que ne donnerais-je point pour être admis dans la maison !

FANCHON.

C’est votre affaire : et, afin que vous puissiez y réussir, je vais vous faire connaître le génie des gens que vous avez à ménager.

LE CHEVALIER.

De tout mon cœur. Pourvu que vous commenciez par vous.

FANCHON.

Cela ne serait pas juste : je sais trop ce que je dois à mes parents. Premièrement, mon père est un vieux président riche et bonhomme, fou de l’astrologie, où il n’entend rien. Ma mère est la meilleure femme du monde, folle de la médecine, où elle entend tout aussi peu : elle passe sa vie à faire et à tuer des malades. Ma sœur aînée est une grande créature, bien faite, folle de son mari, qui ne l’est point du tout d’elle. Son mari, mon beau-frère, est un soi-disant grand seigneur, fort vain, très-fat, et rempli de chimères. Et moi, je deviendrais peut-être encore plus folle que tout cela si vous m’aimiez aussi sincèrement que vous venez de me l’assurer.

LE CHEVALIER.

Ah ! madame ! que vous me donnez d’envie de figurer dans votre famille ! mais…

FANCHON.

Mais, il serait bon que vous me parlassiez un peu de la vôtre ; car je ne connais encore de vous que vos lettres.

LE CHEVALIER.

Vous m’embarrassez fort : il me serait impossible de donner du ridicule à mes parents.

FANCHON.

Comment ! impossible ! vous n’avez donc ni père ni mère ?

LE CHEVALIER.

Justement.

FANCHON.

Ne peut-on pas savoir au moins de quelle profession vous êtes ?

LE CHEVALIER.

Je fais profession de n’en avoir aucune ; je m’en trouve bien. Je suis jeune, gai, honnête homme ; je joue, je bois, je fais, comme vous voyez, l’amour : on ne m’en demande pas davantage. Je suis assez bien venu partout ; enfin je vous aime de tout mon cœur : c’est une maladie que votre astrologue de père n’a pas