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SIK l.A TKAiiKDli ; . 323

<l(’ tciidrcssc, cl les Anglais iiK’ritriii bien ! <■ iikmiic rcjjroche depuis pK’s diiii sirclo, car vous avez toujours un |)(’u pris nos niodos ft nos vices. Mais nio pennottoz-vous de vous dire niofi sentiment sur cette matière ?

\ouloir de l’amour dans toutes les tragédies me j)araît un goût (•nV’nn’rif : l’en jjroscrire toujours est une mauvaise humeur hien d(’raisonnal)le.

Le théâtre, soil tragi(iue, soit conii(|ue, r>,[ la peiiitui’e vivante des passions humaines. L’ambition d’un prince est représentée dans la tragédie : la comédie tourne en ridicule la vanité d’un bourgeois. Ici, vous riez de la coquetterie et des intrigues d’une citoyenne ; là, vous pleurez la malheureuse passion de Phèdre : de même, l’amour vous amuse dans un roman, et il vous trans- porte dans la Didon de Mi’gile. L’amour dans une trag(die n’est pas plus un défaut essentiel (|ue dans rÉnéi.cle : il n’est à reprendre ([ue quand il est amené mal à propos, ou traité sans art.

Les Grecs ont rarement hasardé cette passion sur le théâtre d’Athènes : premièrement, parce que leurs tragédies n’ayant roulé d’abord que sur des sujets terribles, l’esprit des spectateurs était plié à ce genre de spectacles ; secondement, parce que les femmes menaient une vie beaucoup plus retirée que les nôtres, et qu’ainsi, le langage de l’amour n’étant pas, comme aujourd’hui, le sujet de toutes les conversations, les poètes en étaient moins ii^vités à traiter cette passion, qui de toutes est la plus difficile à repré- senter, par les ménagements délicats qu’elle demande. Une troi- sième raison, qui me paraît assez forte, c’est que l’on n’avait point de comédiennes ; les rôles des femmes étaient joués par des hommes masqués : il semble que l’amour eût été ridicule dans leur bouche.

C’est tout le contraire à Londres et à Paris : et il faut avouer que les auteurs n’auraient guère entendu leurs intérêts, ni connu leur auditoire, s’ils n’avaient jamais fait parler les Oldfield, ou les Duclos et les Lecouvreur, que d’ambition et de politique. i Le mal est que l’amour n’est souvent chez nos héros de théâtre I que de la galanterie ; et que chez les vôtres il dégénère quelque- fois en débauche. Dans notre Akibiadc, pièce très-suine, mais faiblement écrite, et ainsi peu estimée S on a admiré longtemps

1. Ce jugement sur Campistron blessa M. Gourdou de Bach, qui écrivit à ce sujet une Lettre au Nouvelliste du Parnasse (1731, II, 39, ou 1734, I, 366"). Voltaire y répondit, quelque temps après, par une Lettre qui fut insérée dans le même recueil, et qu’on trouvera dans la Correspondance, juin 1731. (B.)