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AVERTISSEMENT


POUR LA PRÉSENTE ÈDITION.
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Brutus avait été ébauché en Angleterre, et l’on dit même que le premier acte avait été d’abord écrit en anglais. C’est en Angleterre, où il venait de passer plusieurs années, que Voltaire puisa, dans le spectacle et la société d’un peuple libre en politique, le sentiment républicain qui anime cette pièce. Il se pénétra, pendant le séjour qu’il fit chez les Anglais, de cette haine du pouvoir arbitraire, et de cet amour de la liberté qui forment le caractère de Brutus et balancent dans son fils les passions fougueuses de la jeunesse.

En décembre 1729, Voltaire rassemblait à diner chez lui les comédiens et leur lisait sa pièce. Quelques jours après il écrivait à Thiériot, qui avait probablement assisté à cette lecture où La Faye était également convié : « Mon cher ami, je vous dis d’abord que j’ai retiré Brutus. On m’a assuré de tant de côtés que M. de Crébillon avait été trouver M. de Chabot (le chevalier de Rohan) et avait fait le complot de faire tomber Brutus, que je ne veux pas leur en donner le plaisir. D’ailleurs je ne crois pas la pièce digne du public. Ainsi, mon ami. si vous avez retenu des loges, envoyez chercher votre argent. »

« Nous ne croyons guère, dit M. G. Desnoiresterres, à l’accusation dont l’auteur de Rhadamiste est ici l’objet. Nature indolente, paresseuse, inhabile à l’intrigue. Crébillon n’était pas homme à enchevêtrer, en dehors de ses tragédies, des trames aussi noires. Et puis, extérieurement, les deux rivaux étaient loin d’en être à couteaux tirés. Quelques jours plus tard ils font ensemble une démarche auprès de Lamotte…. En somme, la cause déterminante du retrait de la pièce fut moins l’appréhension des menées de Crébillon et du chevalier de Rohan que le peu d’effet qu’elle avait produit sur Messieurs de la Comédie-Française. Lui-même avait senti la nécessité de la remanier…. et il convient ailleurs que les défauts de sa pièce la lui firent refuser constamment un an entier aux comédiens. Dès la fin de novembre 1730, Brutus était en pleines répétitions et prêt à être joué. Le poëte avait plus d’un souci ; il estimait l’œuvre bonne, mais il fallait faire goûter cette terrible donnée à un public de caillettes et de petits-maitres. Il n’avait plus la Lecouvreur pour l’aider de son magique talent, et c’était à un talent inexpérimenté encore qu’il avait dû confier le rôle de Tullie. MM. Clogenson