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La modeste innocence et l'aimable pudeur
Régnaient dans ses beaux yeux ainsi que dans son coeur ;
Son malheur ajoutait à l'éclat de ses charmes.
Nos prêtres, nos Hébreux, dans les cris, dans les larmes,
Conjuraient vos soldats, levaient les mains vers eux,
Et demandaient la mort avec des cris affreux.
Hélas ! de tous côtés, dans ce désordre extrême,
En pleurant Mariamne, on vous plaignait vous-même :
On disait hautement qu'un arrêt si cruel
Accablerait vos jours d'un remords éternel.

HÉRODE.

Grand Dieu ! que chaque mot me porte un coup terrible !

NARBAS.

Aux larmes des Hébreux Mariamne sensible
Consolait tout ce peuple en marchant au trépas :
Enfin vers l'échafaud on a conduit ses pas ;
C'est là qu'en soulevant ses mains appesanties,
Du poids affreux des fers indignement flétries :
« Cruel, a-t-elle dit, et malheureux époux !
Mariamne en mourant ne pleure que sur vous ;
Puissiez-vous par ma mort finir vos injustices !
Vivez, régnez heureux sous de meilleurs auspices ;
Voyez d'un oeil plus doux mes peuples et mes fils ;
Aimez-les : je mourrai trop contente à ce prix. »
En achevant ces mots, votre épouse innocente
Tend au fer des bourreaux cette tête charmante
Dont la terre admirait les modestes appas.
Seigneur, j'ai vu lever le parricide bras ;
J'ai vu tomber...

HÉRODE.

Tu meurs, et je respire encore !
Mânes sacrés, chère ombre, épouse que j'adore,
Reste pâle et sanglant de l'objet le plus beau,
Je te suivrai du moins dans la nuit du tombeau.
Quoi ! vous me retenez ? quoi ! citoyens perfides,
Vous arrachez ce fer à mes mains parricides ?
Ma chère Mariamne, arme-toi, punis-moi ;
Viens déchirer ce coeur qui brûle encor pour toi.
Je me meurs.

Il tombe dans un fauteuil.
NARBAS.

De ses sens il a perdu l'usage ;