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HÉRODE.

Ô père infortuné ! plus malheureux époux !
Tant d'horreur, tant de sang, le meurtre de son père,
Les maux que je lui fais, me la rendent plus chère.
Si son coeur... Si sa foi... mais c'est trop différer.
Idamas, en un mot, je veux tout réparer.
Va la trouver ; dis-lui que mon âme asservie
Met à ses pieds mon trône, et ma gloire, et ma vie.
Je veux dans ses enfants choisir un successeur.
Des maux qu'elle a soufferts elle accuse ma soeur :
C'en est assez ; ma soeur, aujourd'hui renvoyée,
À ce cher intérêt sera sacrifiée.
Je laisse à Mariamne un pouvoir absolu.

MAZAEL.

Quoi ! seigneur, vous voulez...

HÉRODE.

Oui, je l'ai résolu ;
Oui, mon coeur désormais la voit, la considère
Comme un présent des cieux qu'il faut que je révère.
Que ne peut point sur moi l'amour qui m'a vaincu !
À Mariamne enfin je devrai ma vertu.
Il le faut avouer, on m'a vu dans l'Asie
Régner avec éclat, mais avec barbarie.
Craint, respecté du peuple, admiré, mais haï,
J'ai des adorateurs, et n'ai pas un ami.
Ma soeur, que trop longtemps mon coeur a daigné croire,
Ma soeur n'aima jamais ma véritable gloire ;
Plus cruelle que moi dans ses sanglants projets,
Sa main faisait couler le sang de mes sujets,
Les accablait du poids de mon sceptre terrible ;
Tandis qu'à leurs douleurs Mariamne sensible,
S'occupant de leur peine, et s'oubliant pour eux,
Portait à son époux les pleurs des malheureux.
C'en est fait je prétends, plus juste et moins sévère,
Par le bonheur public essayer de lui plaire.
L'État va respirer sous un règne plus doux ;
Mariamne a changé le coeur de son époux.
Mes mains, loin de mon trône écartant les alarmes,
Des peuples opprimés vont essuyer les larmes.
Je veux sur mes sujets régner en citoyen,
Et gagner tous les coeurs, pour mériter le sien.
Va la trouver, te dis-je, et surtout à sa vue